Proches

Vingtième soir

 

On s’approche et ce sont les vacances. C’est le plus doux moment pour ma crèche, mes vacances. Enfin, je vais prendre mon temps d’être là, tout près. Proche. Pour marcher vers l’étable, allumer les bougies et les laisser brûler longtemps, et contempler.
On s’approche et ce sont les vacances. La dernière journée au collège était plus que chouette du matin avec les élèves jusqu’à il y a un instant avec les collègues. Enfin, on a pris un peu de temps pour être là, ensemble. Proches, et se dire au revoir doucement.
On s’approche, Noël est à nos portes. Je vais le laisser entrer vraiment. Autour de ma crèche qui L’attend, au bord de ma cuisine qui va sentir bon les petits plats pour mes enfants, ma famille, les uns et les autres, au cœur de mon église qui se pare déjà.
Je vais me faire proche.

Déjà vingt soirs à décliner le temps et je mesure soudain combien il passe vite si on ne s’arrête pas. C’est ce que ma crèche m’a invitée à faire depuis vingt soirs déjà, m’arrêter un peu pour Lui faire une petite place un peu plus grande. Plus proche.

Quelques jours encore, quelques soirs, je serai là pour vous raconter encore quelques petites histoires de crèche, précieuses… et proches.  😉

À demain

Depuis 18 jours

Dix-huitième soir

 

Vous savez depuis toujours, ils vont de paire. Je crois bien que jamais, je ne les avais fait l’un sans l’autre.
Mais voilà.
Cette année, le premier dimanche de l’Avent, j’étais déjà trop crevée pour filer à la jardinerie et les 15 jours qui ont suivi, je me suis battue avec tous les microbes de la terre qui passent du nez jusqu’aux bronches pour tenir le coup et en classes, et aux conseils de classes et en réunion de parents. Même pour venir ici, en vrai. 😉
Non, absolument rien d’héroïque. Faut pas exagérer Corine. Juste le travail un peu mal fichue et le repos dès franchi le seuil de la maison. Finalement, c’était le bon choix puisque je suis guérie.

Mais voilà, j’ai installé ma crèche au premier dimanche de l’Avent sans le moindre sapin.

Et cela faisait 18 jours qu’elle me faisait de l’œil ma petite crèche, seule avec son tout petit arbre de lumière, l’air de dire mais tu vas le chercher quand ton roi des forêts ?

C’était cet après-midi.
Et c’était la fête.

Dès la route vers la jardinerie, la joie au cœur. Puis dedans où on a attendu le petit vendeur dans l’air glacé du dehors. Même qu’il est arrivé avec la mine enjouée, le grand sourire en regardant le sapin que j’avais choisi ( c’est toujours moi qui choisis 😉 )
-Vous avez raison, il est beau celui-ci: petit mais dodu !

Dans le salon, le petit dodu a trouvé sa place. Bien large, juste sous l’escalier, le nez à regarder par la fenêtre. J’en ai profité pour faire faire un demi tour à chaque santon, histoire qu’ils voient eux aussi. Je crois qu’ils ont bien aimé. J’ai juste laissé Marie et Jo filer leur course histoire qu’ils arrivent à l’heure.
Puis, j’ai sorti le carton. Les boules dorées, les rouges, les brillantes, les étoiles, les petits personnages, quelques guirlandes. Vous savez, il y a quelque chose de très doux à reconstruire tous les ans, à redécorer avec les mêmes objets, à recommencer. On a l’impression que, malgré tout, la vie continue d’être drôlement belle. Et c’est bon.

Depuis toujours, ils vont bien ensemble. Mon sapin et ma crèche. Il était temps que Noël soit installé bien complétement dans la maison.
Parce que vous savez, mine de rien, on a beau dire, on a beau faire, une petite étable avec le Sauveur du monde sans rien qui dise la joie, qui brille, qui éclate un peu autour pendant 18 jours, je vous assure, c’est pas pareil. Et ne me racontez pas le contraire. Je crois savoir l’Essentiel.

Enfin, on dirait bien qu’ici, Noël a enfin pris ses quartiers. Puisse-t-il rester. Longtemps. 🙂

à demain !

 

D’un enfant

Dix-septième soir

 

Il y avait un grand sapin tout décoré d’or et des tas de jouets d’enfants un peu partout.
– Tu m’excuses, je viens de les mettre à la sieste, pas eu le temps de ranger. Tom est là aussi, un peu enrhumé, je l’ai gardé.

Il n’y avait pas de raison de s’excuser. J’ai bien aimé le dinosaure en plastique dans la petite poussette et la maison en gros Legos au pied du sapin. Elle, c’est une jeune maman prof qui a été ma stagiaire l’année du confinement. On a gardé plein de liens et on devait se revoir et puis le temps passe et passe mais là, elle m’a appelée il y a trois jours avec un “passe me voir, je suis encore en congés mais je reprends en janvier, viens vite.” Congé maternité pour un petit troisième né cet été.

Il n’y avait pas de raison de s’excuser. Un thé de Noël et des sablés. Une sieste qui commençait pour les petits. J’ai bien fait de filer en ce début de mardi après-midi, les dernières copies, ce sera pour plus tard.
– Tu sais on a deux bonnes heures. J’ai de la chance, ils dorment en même temps et la grande est à l’école après une grosse semaine bien malade.

La première heure a filé entre conseils de mamans, reprise des cours, des échanges de bouquins et un peu le monde aussi. Son gros sapin doré me faisait de l’œil, le thé de Noël était doux, les sablés savoureux.

Le temps s’arrête parfois pour nous faire du bien.

 

Le petit de quatre ans bien enrhumé a pleuré un peu plus tôt que prévu. Pas grave. Elle est allée le chercher, doucement. Et on a refait connaissance.

Il m’a apporté sa maison en gros Légos, posée sur un petit plateau, celle qui était au pied du sapin. Avec un cochon à droite, un cheval à gauche, trois playmobils couchés au sol, bien serrés comme pour ne pas avoir froid. Il a tout posé sur mes genoux, comme un gros cadeau, et m’a regardée sans doute pour que je joue avec lui. J’ai commencé à dire que sa ferme était drôlement jolie, le cochon en pleine forme et les habitants dis donc encore à la sieste !
Il a rigolé.
Je me suis dit que j’avais le chic pour les faire rire les petits.

– Corine, je crois que Tom veut te montrer sa crèche.

 

à demain  😉

Préférences

Seizième soir

Peut-être bien que ce sont mes préférés. Mes santons préférés.
Ce n’est guère étonnant. Le maître d’école à la dictée sûrement, une fillette au livre toujours un peu trop gros pour elle, un petit au cartable en bandoulière. Bien sûr, ils ont un côté un peu désuet, l’allure démodée de mes jeunes années de classe. Tant pis, ils me ressemblent toujours.

Et je les aime particulièrement pendant cette dernière semaine de classe avant les vacances.
Il faut dire que j’ai besoin d’eux, vraiment. De la tranquille assurance du maître, de la sagesse fictive des enfants, de la presque douceur de leurs traits parce que les virus additionnés à la fatigue des uns et des autres, ça produit en ce moment une alchimie plutôt explosive au collège. Ce fut le cas ce lundi lors de certaines heures.
Et en même temps, assez bizarrement, au soir, dans la salle des profs, on sent que ça commence un peu à se détendre. – Allez, lundi de fait, plus que quatre jours ! On s’encourage, on s’apaise et ça fait du bien.

Oui, je les aime particulièrement pendant cette dernière semaine de classe avant les vacances. Je les ai placés tout près de l’étable d’ailleurs. Oh ! je sais, pas de meilleures places mais enfin, quand même, l’envie que mon petit professeur soit là, proche. Au premier rang même.
Il faut dire que mon métier depuis plus de 30 ans, je le fais peut-être bien grâce à un p’tit Jésus devenu grand qui enseignait aux foules. C’est mon visage du Seigneur préféré aussi, celui de l’enseignant. Et j’aime être proche de Lui quand j’entre dans une classe. Oh …ça ne me rend pas meilleure non, mais Il est là et parfois, Il m’a donné et me donne encore un (sacré) coup de main pour écouter, encourager mais aussi sévir s’il le faut. Il sait guider ma main quand j’écris des appréciations. Il sait être là.

Alors oui, ces santons qui me rappellent ma vie, je les aime tout comme mon amie Martine préfère l’infirmière, le vieux Jo son santon jardinier, Nicolas le boulanger sûrement, Mimi la fileuse de laine.
Peut-être bien qu’on pose un peu de nos visages, peut-être de nos âmes dans les personnages de nos crèches. Parfois.

Ce sont mes préférés. Mes santons préférés.
Ce n’est guère étonnant. Le maître d’école à la dictée sûrement, une fillette au livre toujours un peu trop gros pour elle, un petit au cartable en bandoulière.
Et cette semaine, ils vont encore davantage m’accompagner pour faire de cette dernière semaine au collège une beau temps malgré virus, fatigue et tout le reste.
Ils gardent Noël sous leurs petites blouses grises, c’est sûr, en paix, dans un coin de leur cœur.

Vide-poche

Quinzième soir

 

J’la traîne dans ma poche comme si de rien n’était.
Ça fait des jours que j’la traîne dans ma poche comme si de rien n’était.
Je voudrais tant la poser, la déposer, pourtant.
Rien à faire, c’est au creux de ma poche, effleurée du bout de mes doigts, qu’elle reste, enfouie.
Elle n’arrive pas à sortir. Blottie, chiffonnée, peur du froid peut-être. Trouille du dehors, elle aussi.
Elle sert à rien alors.

Parfois, elle reste comme ça, des jours à traîner sans rien d’autre à faire, sans personne à qui parler.
Et puis, il suffit d’un interstice, minuscule espace, infime souffle.
Et au soir, devant ma crèche, je vide mes poches, je vide mon cœur.

Pour Toi, petit Enfant qui vient, ma petite prière.

 

à demain

 

 

 

 

Dieu de nos paysages

Quatorzième soir

 

Ce qu’il y a d’assez joli dans une crèche avec tout plein de santons, c’est la vie de ces petits bonshommes qu’on regarde comme la vie des gens autour.
Parfois, on dirait presque que la crèche est le prétexte. Et le village de santons provençaux comme celui de ma petite bretonne, le centre.

Chez moi, les musiciens sont au biniou, la boulangère porte des galettes de blé noir au côté de son boulanger de mari qui range des sacs de farine. La bigoudène enceinte papote avec ses amies entourées de leurs petits. Une bretonne aux cheveux gris file sa laine et un peu plus loin des marins rentrent au port. Le maître d’école raconte sans doute les fées de l’île de Loc’h, peut-être les landes où l’Ankou sévit encore. Même mon berger trimballe un triskell sur sa besace. On respire le vent du large qui souffle. J’entends les vagues au large.

Que Bethléem est loin.

Et c’est sans doute cela que j’aime dans nos crèches.
Dieu qui vient dans mes paysages comme dans ma vie. Je crois que mes amis du sud aime Dieu dans leurs cigales, leur ravi et le soleil de leur terre qui chante. Moi, je l’aime dans mes souvenirs de granit, de Kornog qui souffle et de chants de marins.

Oui Bethléem est loin. La terre d’Israël encore bien davantage.
Et Lui, loin d’être étranger à nos chemins, nos maisons, nos coutumes, Il vient faire de nos paysages son refuge. Et c’est bon.

à demain

 

 

Pauvres

Treizième soir

On n’est pas loin d’être au milieu, au milieu de l’Avent. Le temps passe.
À quelques encablures de Noël, l’Evangile ne raconte pas que Joseph et Marie s’inquiétaient déjà d’arriver dans une ville où la foule les empêcheraient de trouver une place pour la nuit.

C’est une histoire qui m’a toujours tourmentée. Comment on a pu laisser une petite maman au ventre trop rond ?
Petite, il me fallait ajouter dans la pauvre étable faite de bois de la paille. On m’autorisait la mousse du jardin bien douce. Quand même. Mais non, c’était donner naissance comme une bête ! C’est ce qu’il y avait dans ma tête. Je ne voyais pas l’humilité de Dieu oh non, je ne voyais qu’une petite Marie accoucher exactement comme les bêtes de l’étable, celle que je connaissais de la ferme où on allait chercher parfois du lait de chèvre pour faire des petits fromages.
Et je ne comprenais pas. Ni qu’on puisse laisser une petite maman au ventre trop rond, ni lui offrir seulement une étable comme une bête.

C’est une histoire qui m’a toujours tourmentée. Et me tourmente encore bien davantage quand je vois que nous ne sommes toujours pas capable de réchauffer, d’abriter, de loger des hommes, des femmes, des enfants dans nos rues de notre occident si riche et si performant.
Et je ne comprends pas. Toujours pas.

Ma crèche, chaque année, depuis tout le temps, elle pense à eux. Aux cafés qu’ils n’ont d’autres choix que de boire dans des verres en carton, aux bols de soupe, aux couvertures parfois miteuses, aux abris où la promiscuité ne donnent pas envie de rester. Et où des bébés naissent encore. Oui.

Ma crèche pour eux.
Et ce soir, je n’ai pu m’empêcher d’ajouter sur ma mousse un petit bout de lin blanc pour adoucir sa couche, un petit rien pour que bientôt l’Enfant vienne parmi les plus pauvres, doucement, qu’Il n’ait jamais froid, qu’Il nous réchauffe de Sa Lumière.
Puisse-t-Il encore et encore nous montrer le chemin du bon et du bien.

à demain

Un enfantement pour une crèche

Douzième jour

L’ange lui dit alors :
” Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu.
Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils ; tu lui donneras le nom de Jésus.”

J’aime ces verbes de nos langues qui disent la naissance.
J’aime savoir que Dieu est né en ce monde.
J’aime encore davantage savoir qu’Il a une mère.

Et je n’ai pas de temps dans ce temps qui ressemble presque en ce moment à celui que je n’avais pas quand j’étais maman de trois petits … 😉
Je n’ai pas le temps d’en écrire davantage alors je vous laisse, chers amis, une petite prière d’il y a longtemps, celle qui si va bien avec nos crèches.

À demain  

 

Ton ventre s’est arrondi
Tout doucement
Tes mains se posent sur la sphère de vie
Tendrement
Tes bras se croisent sur ton amour
Passionnément
Marie
Remplie du feu intérieur, tu attends
Tu attends la promesse
Ton visage s’éclaire d’un sourire confiant
Tes mains sont ouvertes maintenant
Offertes en un oui
En merci
Tu attends l’Enfant
Ton enfant
Tu vas donner la vie
Marie
Tu vas nous donner La Vie

Méditation au berger

Onzième soir

 

Je ne suis pas certaine de vous avoir dit que chaque soir, lorsque j’écris mon billet, je le fais juste à côté de ma crèche. Moi, je pose mon petit ordinateur au bout de ma table de salle à manger. Elle, sur ma droite, borde longuement mon buffet. Finalement, je ne la regarde pas seulement. Nous NOUS regardons. Et ce soir, en ligne de mire, un petit clin d’œil à mon berger, celui qui garde ses trois moutons ( les autres sont encore ailleurs, loin, dans les collines, évidemment).

Et il est là. Silencieux. Le regard pensif posé sur ses brebis. Oui, des brebis c’est mieux que des moutons. Plus bibliques. 😉
Donc il est là mon berger, solitaire. Même si des brebis lui tiennent compagnie.

Et je me demande à quoi pouvait penser un berger du temps de Jésus si ce n’est à ses brebis, au chemin à parcourir en allant et ne rentrant, aux autres amis bergers, aux dangers d’une nature plus hostile qu’aujourd’hui, au village qu’il retrouvait, à sa famille peut-être. Chaque jour recommencé, presque le même. Et soudain, dans ces habitudes et ce quotidien des plus quotidiens, l’extraordinaire nouvelle. De quoi chambouler le reste d’une vie non ?

Et il reste là mon berger. Sa vie continue de continuer.

Et je me dis c’est exactement ça Jésus dans ma vie. Chaque jour recommencé, pas loin d’être le même. Et dans mes habitudes, dans mon quotidien si quotidien, une extraordinaire nouvelle encore plus extraordinaire qu’une naissance. Une naissance qui nous sauve. De quoi chambouler le reste de ma vie, non ?

Si.

 

Ça pourrait ne rien changer. Sauf que si.
Je reste là. Et, Il est là, avec moi, pour continuer ma vie.
( Ça change tout.  😉 )