Défaire

“Rangeons le Petit Jésus de cire et marchons au grand Jésus de feu. Rangeons le rêve: le réel assure sa relève.”
F.Cassingena-Trévedy

 

J’attends toujours que janvier s’avance un peu. J’attends que tout recommence, l’année, les cours, les habitudes.
J’attends de ne pas en être lasse. J’attends qu’il ne soit pas trop tard.
Alors, je sais qu’il est l’heure de défaire Noël.

Enlever une à une les décorations, décrocher les boules et les guirlandes, les ranger précieusement dans leurs boîtes. Défaire les branches joliment agencées, celles qui cette année m’ont servi de sapin. Retirer le grand pot de terre qui les contenait. Et nettoyer un peu autour les paillettes qui se sont échappées.

Défaire Noël de la maison.

Il y a toujours un petit pincement au cœur à remiser pour une année entière cette atmosphère que j’aime tant. Ces dorés, ce brillant. Les étoiles, les lumières. Il y a, mêlées constamment l’une à l’autre, la joie d’un Noël revenu et la petite tristesse de le voir déjà repartir.

Défaire Noël de la maison.

Vient alors l’heure de ma crèche. Les Rois rentrent par leur autre chemin, les bergers les suivent puis un à un les santons. Enfin, j’enveloppe, bien serrée dans le papier de soie, la petite famille.

J’ai défait Noël et la maison a retrouvé son ordinaire.
Mais je crois que la maison aime retrouver l’ordinaire, elle le garde comme en secret ici, elle aussi.

Elle le garde dans les petites tablées animées des vendredis soirs, dans les prières des matins trop froids, dans les journées qui n’en finissent pas.
Elle le garde dans les inquiétudes qui traînent, dans les tristesses à consoler, dans les mains qu’on aimerait serrer.
Elle le garde comme un cadeau de Rois, comme un petit supplément d’amour à mes jours.

J’ai défait Noël de ma maison, j’ai rangé les rubans et les santons mais j’ai gardé quelques paillettes. Celles qui, Noël après Noël, se collent à ma peau pour tout le reste de mes jours ordinaires. Et ça tient chaud.  🙂

Pouce !

Cela a ressemblé à une parenthèse un peu hors du temps.

La semaine qui vient de s’écouler a fermé les écrans, ceux des des réseaux particulièrement. Temps un peu étrange et étrangement doux avec la chance de retrouver ma maison remplie de mes enfants et de leurs conjoints pour mes deux plus grands, presque tout le temps. J’oublie vite, pourtant cela ne fait pas des années qu’ils ont quitté  leur enfance, j’oublie vite tout l’espace qu’ils remplissent. Et 2020 s’en est allé avec son lot de gris sans doute un peu plus foncés que d’habitude, dans la douceur impertinente d’un cocon familial.

Et déjà on remplacerait bien son zéro final à l’allure d’une boule de virus par un grand 1 pointé comme un pouce qui demande du répit.
Pouce ! je n’ai pas oublié le code de la récré de mes 10 ans qui nous sauvait dans une course maladroite, dans un jeu fatigué ou simplement pour reprendre son souffle.
Pouce ! c’est exactement ce que j’aimerais écrire comme vœux pour cette année qui commence.
Pouce le virus, pouce la maladie, pouce la mort.
Pouce l’indifférence, pouce les heures incomprises, pouce les regards détournés.
Pouce la violence, pouce l’injustice, pouce les riens à y comprendre.
Pouce mes mots déplacés, pouce mes ratés, pouce mes oublis.

Pouce ! oui, c’est bien une pause que l’on écrit entre un 31 décembre au soir et une nouvelle année au matin. Une pause de joie non feinte, de douceur parfois, de projets encore. Une pause sans doute utopique mais qui a l’audace de croire, l’espace d’un instant, au bon, au mieux, au meilleur.
Et même si l’on sait bien que le vouloir, le désirer, le souhaiter ne dure souvent pas plus que le temps de le dire, ce pouce levé a le pouvoir de redonner le sourire, l’élan, l’espoir sans lesquels rien n’est vraiment possible.

Pouce ! c’est bien là tout ce que je peux vous souhaiter aussi, un répit, un temps qui s’arrête sur du joli, une parenthèse de douceur pour repartir de bon pied. 
Bonne année chers amis qui passez par ici !

Et à bientôt…  😉

Corine

 

Joyeux Noël ??

Joyeux Noël ! 

Dès que décembre arrive à sa petite quinzaine de jours bien entamés, l’exclamation fuse. Et cela n’a pas manqué cette année. Joyeux Noël !!!
Dans les messages aux proches et aux amis que je ne peux hélas pas voir cette année, dans les derniers mots partagés avec mes élèves vendredi, et dans mes réponses aux sourires masqués et commerçants qui me saluent le plus souvent d’un “Joyeuses fêtes de fin d’année !”

Joyeux Noël !
Joyeux Noël !
J’en use et j’en abuse, laissant dans la traînée des voyelles un peu de Sa Lumière derrière moi.

Cet après-midi, un petit message semblait me faire remarquer que j’étais ou impatiente ou en avance et que ce n’était “pas encore…”
Je ne peux que le constater, c’est vrai.  Et il est vrai aussi que j’aurais bien du mal à souhaiter un joyeux anniversaire à ceux que j’aime avant la date…! Oui mais Noël, ce n’est pas ça. Du moins, je ne le crois pas. Ce n’est pas un joyeux anniversaire Jésus à dire entre la veillée du 24 et au long du 25.
Pas pour moi.

Joyeux Noël, c’est d’abord Marie qui dit oui.
Joyeux Noël, c’est déjà le chemin jusqu’à Bethléem que Joseph rend sûr pour Elle et Pour Lui.
Joyeux Noël, ce sont les anges qui éclateront de lumière dans nos campagnes.
Joyeux Noël, ce sera l’étoile qui guidera bien après les routes des mages venus de loin.

Oui, je crois que c’est bien autre chose encore. 
Joyeux Noël, ce sont les mains vieillies qui ont  déjà ouvert des lettres d’enfants au cœur d’un Ephad.
Joyeux Noël, c’est un masque un instant baissé pour boire un café qui réchauffe du froid des rues.
Joyeux Noël, c’est un papa qui retrouvera ses enfants à la sortie de prison même si Noël sera déjà loin.
Joyeux Noël, ce sera au long des semaines et longtemps après la présence d’un petit dans une mangeoire, venu nous dire d’aimer.
Joyeux Noël, c’est au détour d’un chemin vers Pâques une nouvelle naissance, Sa Résurrection.

Oui, je crois que ce joyeux Noël, il est de tous nos temps. 

 

Et puis, dans ce joyeux Noël ! , il y a cette exclamation qui dit, en un silence justement posé, les verbes (le Verbe ?) que Dieu nous a laissés : vivre et aimer.

Alors, un 23 décembre pour vous dire:

Joyeux Noël.. à vivre et pour aimer !

De blog en podcast, de Table en tables

J’ai bien vu la date sur le calendrier mais vendredi matin, la fin d’un trimestre pas si simple au collège ne m’a pas donné le temps de m’arrêter.
18 décembre 2010.

Il y a 10 ans.
Je m’en souviens comme si c’était hier. J’avais traversé la campagne jusque chez l’amie férue de blogs – je me souviens qu’on en avait créé pour les élèves – et en quelques mots de passe et petites trouvailles naissait, grâce à elle,  ” Au bord de mon chemin”. Sans vraiment de préméditation, juste l’envie de partager un peu plus que des mots consignés jusque-là sur de petits cahiers.

Il y a 10 ans.
La mode était aux blogs et au fil de ces jours-là, j’ai découvert un univers. Celui de la cathosphère de l’époque et puis un peu plus largement, celui des amoureux des mots. Je me souviens de mon tout premier billet, des encouragements de blogueurs déjà bien investis et des partages qui ont rendu ma vie encore plus jolie. Je me souviens aussi que peu à peu, tout près, le mari, les enfants, les amis les plus proches ont fait du bord de mon chemin un espace vivant, osant parfois au gré d’une rencontre ou d’un bon mot, le “tu en ferais bien un billet …”

Il y a 10 ans. 
Je suis passée de 43 à 53 ans avec ce petit bout de chemin au bord de ma vie. Et ce n’est pas rien. On parle peu de cet âge-là en vérité. Les enfants, les jeunes, les jeunes femmes, les trentenaires, et puis les grands-mères un peu, mais les femmes entre 40 et 50 ans, très peu. Ou alors très mal. J’y ai souvent pensé en écrivant ici et la vie m’a touchée parfois au point de quitter par trois fois ce petit blog, d’y écrire d’autres petites histoires aussi, précieuses. Archives cependant gardées comme un vieil album photos que, bien veille, j’aurais peut-être plaisir un jour à regarder !  Je suis toujours revenue après ces faux-départs et au moment de penser à un autre projet d’écriture, je me rends compte que ce bord de chemin-là, il compte.
Je veux le garder. Précieusement.

 

Parce qu’il y a ces partages, ces rencontres, ces petites prières. Et Dieu, au cœur de mes mots.

 

J’ai bien vu la date sur le calendrier mais vendredi matin, la fin d’un trimestre pas si simple au collège ne m’a pas donné le temps de m’arrêter.

18 décembre 2020. 
J’ai attendu d’être en vacances, au soir, pour ouvrir ce petit cahier ‘projet podcast’ où depuis pas mal de mois, je griffonne des idées. Sans vraiment de préméditation, juste l’envie de partager un peu autrement cette autre chose qui peu à peu a pris sens.
La mode est au podcast et au fil des dernières années, j’ai découvert ce nouvel univers. Réticente au début d’un mode où l’oral est roi, j’ai découvert que les plus jolis à écouter, à mon avis, étaient quand même les mieux écrits.
Au fil du temps, enregistrements, mixage, musique sont entrés par la porte de mon collège et les élèves se sont vite pris au jeu de cet oral-écrit-pas vraiment en direct- avec beaucoup d’enthousiasme. Et à leurs côtés, j’ai appris, doucement. En écoutant les autres, aussi.

18 décembre 2020.
J’y suis. La jaquette de mon podcast est réalisée. Le titre est trouvé. L’hébergement aussi. Le matériel presque prêt. Et son contenu surtout.
J’aurais pu enregistrer les billets d’ au bord de mon chemin mais s’il y a un podcast en réalité, c’est peut-être qu’il y a cette autre chose qui me taraude depuis quelques mois.

10 ans à écrire, et depuis toujours à écrire pour lire et relire ma vie. J’ai découvert, en relisant justement que, de Sa Table où son pain partagé me fait vivre,  de Sa Table d’amis réunis tant aimés aux tables de ma vie, j’avais passé une bonne partie de mon existence déjà au cœur de la…cuisine ! Etrange découverte pour une fille qui ne croyait être qu’une lectrice-écrivaillonne-maman-prof. Si peu manuelle en sa jeunesse, peinture, bricolages et cuisine sont venus faire de mes mains de jolis porte-paroles de mes projets…et curieusement, de Sa Parole.
Et puis, j’ai bien fait le tour de la question et il n’y a pas photo. Du plus loin que je me souvienne, la cuisine est le lieu où j’ai le plus appris : des leçons récitées sur un coin de toile cirée aux bavardages d’un déjeuner, des discussions à refaire un drôle de monde aux confidences des p’tits cafés improvisés. Sans compter sur les soupes partagées au coin des rues, les goûters dans des  chambres d’hôpital pédiatrique, les dîners d’amitié qui donnent du goût à nos vies.
Autour d’une table bavarde ou d’un plat qui mijote, le goût des petites choses anodines devient essentiel. C’est donc là que je vous entraîne pour écouter des histoires, celles qui font la saveur de nos vies et sans lesquelles on ne serait rien.

18 décembre 2020.
Je reviendrai au bord de mon chemin, parce que les petites prières, les mots d’Avent ou de Carême, les clins Dieu, c’est là qu’ils continueront à s’écrire, je le sais. Mais désormais, au bord de ce chemin, il y aura aussi un autre petit endroit qui pétillera je l’espère d’histoires qui sentent bon, de rencontres qui racontent les p’tites recettes de la vie lorsqu’on la rend jolie, de souvenirs parfumés à la cannelle et au sucre roux. Et ce sera ici. https://pepites-et-papillottes.lepodcast.fr/

22 décembre 2020.
À deux jours d’une veillée qui nous redira l’essentiel de nos vies, je vous souhaite un très joyeux Noël chers fidèles lecteurs et lectrices. Et je vous dis aussi à bientôt ici ou ailleurs, heureuse de vous savoir sur le bord de tous mes chemins.
Corine

 

Comme une pâte de fruits

Je préférais les pâtes de fruits.
Et pourtant, le chocolat était plus qu’un péché mignon.
Mais à Noël, je préférais la petite boîte de pâtes de fruits au sachet de crottes en chocolat. Sans doute, y avait-il alors l’attrait pour les couleurs, puis les grains de sucre qui fondaient d’abord en bouche avant de découvrir la saveur du fruit que le rose, le vert pâle ou l’orangé ne révélaient pas toujours. Il faut dire aussi que ces pâtes de fruits-là avaient le bon goût d’une fabrication artisanale et que la praline des chocolats n’avaient pas le croquant du carré noir que j’aimais tant.

Je préférais les pâtes de fruits.

Ma petite boîte, je la gardais assez longtemps contrairement aux tablettes de chocolat souvent dévorées trop rapidement. C’est comme si chaque petit carré coloré était promesse d’un instant de douceur dans le gris de l’hiver. Souvent, la pâte de fruits accompagnait le début d’une lecture, lovée dans le sofa, près du feu, et annonçait ainsi un moment hors du temps.

Il est arrivé hier soir avec une jolie boîte. Je crois que cela faisait une éternité qu’on ne m’avait offert des pâtes de fruits. Moi-même, j’en achète encore à l’abbaye tout près d’ici, de temps en temps, mais en cadeau, non, je n’en reçois plus depuis ces Noëls d’autrefois. 
Il est arrivé l’ami, avec son sourire et avec  cette chaleur des retrouvailles devenues plus rares depuis quelques temps.

Ce matin, à l’aube de recevoir à nouveau des nouvelles qu’on annonce difficiles, j’ai regardé la jolie boîte et je me suis demandée comment du joli, j’allais pouvoir en donner dans les semaines à venir. Dans les gris des nouvelles, trouver de la joie, encore.
Peut-être garder les sourires comme autant de petits grains de sucre qui augurent un moment de douceur.
Peut-être offrir mes doux mots comme autant de parfums, de fruits et de saveurs qu’on peut garder au cœur.
Peut-être rappeler les couleurs des milliers de petites choses apparemment insignifiantes pour ne pas laisser la grisaille envahir l’espace.

Savoir être pour les proches, les amis, les collègues, les élèves peut-être, les gens autour, un petit instant de douceur.
Un peu comme une pâte de fruits.  😉

Rien que des petits instants

Un vrai week-end d’automne avec des heures de pluie qui rendent la terre plus parfumée, des coins de ciel encore bleus pour éclairer doucement les jaunes, les orangés, les rouges même des feuillages. Et puis, les jolis instants partagés avec les filles, les petits messages du fils encore confiné, les sourires de Léa qui va mieux, l’envie de se revoir tous et la crainte des jours à venir, quand même.

La balade a mené nos pas dans les feuilles mortes qui au vent semblaient si vivantes à tournoyer sans cesse.
Comme la vie est étrange soudain, celle qui me demandait encore au matin comment bien aimer.

Je traîne les pieds dans les feuilles.
J’ai l’impression que tout s’effiloche.
Mes presque certitudes.
Celles qui mettaient l’amour du prochain en tout premier.
Je tape dans les bogues.
Pourtant si.
Chaque fois, c’est bien cette Parole d’amour qui a raisonné ( ou résonné, comme on veut).
Pourquoi je doute.
Je ne suis même pas sûre de ma question.
Des petits cyclamens sauvages étalent leurs frimousses mauves au-dessus des feuillages qui jonchent le sol, morts.
Pourtant si, c’est bien l’amour qui reste.


Alors, rentrer auprès du feu, cuisiner une quiche vraiment gourmande et savourer le temps. Celui qui s’abrite dans la maisonnée, qui attrape les minutes tristes, qui garde la joie intacte. Pas à la folie, pas cette joie intempérante, indomptable, impatiente. Non. Une joie toute petite, toute modeste, presque invisible.

Celle qui sait dire que de beaux jours reviendront. Certainement.

Et qui fait sourire. Encore.

 

Un mercredi d’automne, un coin de jardin et les parfums en cuisine

Il y a des petits moments attrapés au temps qui va, des petits moments qui ont la douceur des presque rien, des pas importants, des juste ça, des petits moments qui font du bien et peut-être que, parce qu’ils font tellement de bien, on les garde pour soi, bien au chaud, quelque part. En soi.
Ce n’est pas pas par peur de les partager non, mais à quoi bon.

Est-ce que la douceur, une fois partagée, peut se répandre ailleurs ?

J’ose y croire pourtant.
Encore.

 

J’ose y croire pourtant qu’aimer le doux c’est ne pas accepter la dureté du monde.
J’ose y aller encore, sans cesse, dans cet autre sens de la marche qui presse, oppresse, rabaisse.
Je suis de cette naïve – et vive pourtant – conscience qui ose dire que la douceur est rebelle.

Il suffit d’ouvrir la porte vers le jardin, de poser une laine sur ses épaules et d’affronter le froid pour attraper le soleil de la vigne vierge qui s’accroche à mes fenêtres. 
Et garder les rouges flamboyants d’un jardin d’automne pour affronter les rues trop pâles de l’hiver et des villes et leurs mains mais j’essayerai de sourire encore parce qu’il y a la vie. Toujours.

Il suffit d’entendre sa voix qui fredonne en anglais, de la regarder cuisiner comme je lui ai appris pour attraper les souvenirs de son enfance qui s’accroche toujours à mon cœur.
Et garder les parfums de son tajine maison pour emporter dans mes classes, cette année, où j’essayerai de leur donner le goût de raconter les parfums qui font la vie, aussi. Encore.

 

Il suffit de presque rien.

 

Un rayon qui s’attarde au soir, un mercredi d’octobre qui attend, un peu de temps pris au temps.

Il suffit de pas grand chose pour mettre le doux en premier sur la-liste-des-choses-essentielles qui donnent encore la force d’être là.
Et continuer d’avoir cette volonté épuisée mais vivante, bien vivante, de vouloir aimer.
Toujours.

 

 

Au bord de tous mes chemins

J’ai pris la route du collège. Un dimanche matin. Quelle drôle d’idée. Non, pas une idée. Une invitation. Une invitation à retrouver son église aussi. Parce que l’église de mon collège n’est pas tout à fait la mienne.

C’est un peu drôle. Depuis presque 30 ans, j’habite à 10 kilomètres de mon collège sans que celui-ci ne soit dans ma paroisse. Et depuis 30 ans, je partage ma vie de paroissienne d’un côté avec les gens de “chez moi”, mes églises et notre curé et de l’autre avec les collégiens et leurs familles, leurs églises et leur curé. C’est un assez joli mélange d’habitudes, de visages, de rencontres.

Mais depuis cette rentrée, la paroisse où se situe mon collège s’est ajoutée à la mienne pour “partager” le même curé. 
Et ce matin, j’ai pris la route du collège pour fêter l’installation ( et la fête !)  de François, curé de ma paroisse et désormais aussi de celle de mon collège.

En vrai, cela ne change rien. Ou si. Les liens d’amitié et de fraternité tissés avec lui ne pourront que grandir.

Et puis, il y a eu ce p’tit quelque chose d’autre.

C’est en entrant d’abord que je l’ai ressenti.
Dans l’église, immensément grande. J’ai repensé à nos célébrations de Noël du collège, au mariage de cette ancienne élève qui m’avait invitée, à cette chouette veillée de Pâques où deux de mes élèves se faisaient baptiser. J’ai repensé à des sépultures aussi. Quelques années après mon arrivée, cet élève et son papa, je ne les ai pas oubliés. Des parents. Une maman dernièrement.

Je n’ai rien oublié. 
Et en sortant, sur le parvis encore.
Nos masques ne nous ont pas empêchés de nous reconnaître. Jeanne était là, Bernard aussi. Les premiers qui m’ont montré le chemin du caté. Ce possible de mon collège parce qu’il est catholique. Ces petits bouts de mon temps additionnés à ceux de certains de mes élèves, en fin de nos vendredis sous un arbre à l’abri du soleil et au cœur de la Parole, aux détours de nos week-end au monastère de Martigné-Briand, et toute cette floppée de souvenirs de temps ensemble, ici dans cette église ou là,  est revenue, d’un seul coup. Bouffée de vie et de joie.

J’ai repris la route vers la maison. Ce dimanche matin. Quelle drôle d’idée m’est venue soudain encore à l’esprit.
Je me suis demandée si, dans ce petit collège, j’aurais pu n’avoir été qu’une prof de français -latin.
Je me suis demandée si j’aurais pu me passer, depuis presque 30 ans, de tout mon temps de “caté”. 
C’est drôle parce que je ne m’étais jamais vraiment posée la question.
Vraiment.

Peut-être parce que les élèves, eux-mêmes, n’ont jamais rien mélangé et qu’en cours, je suis leur prof avec mon travail, mes livres et mon nom quand en caté je suis avec Sa Parole, nos partages et madame – Corine parfois. Simplement.
J’ai pensé à tout ça tout mon dimanche. En corrigeant. En bouquinant. En cuisinant même. 
Une pensée comme une petite prière en filigrane je crois.
Qui me redit que Dieu, de ma maison au collège, du collège à ma maison, est bien au bord de tous mes chemins.  😉

Octobre

Une voyelle pour deux consonnes

Octobre joue un drôle d’équilibre entre ses derniers ronds de soleil et son souffle rude glissé entre ses lettres.
J’ai allumé un feu, j’ai sorti les poivrons orangés du panier pour cuisiner du soleil, j’ai respiré la chaleur des couleurs.
La maison semble tiède.
Le temps s’apaise.
Octobre est là, prémices d’un nouvel hiver.

Une voyelle pour deux consonnes
Il suffit de presque rien pour que la vie chante un peu malgré les gris.
C’est octobre qui nous le dit.

Un virus, des crêpes et Amos

J’ai cru le temps suspendu.
Un confinement a mis les heures entre parenthèses, des infos anxiogènes m’ont fait éteindre tous les écrans et changer mes habitudes mais surtout quelques vraies souffrances ici ont bousculé ma vie. Une vieille personne isolée en Ephad qui se suicide, un homme dépressif qui en fait de même, des tests positifs qui tombent pas très loin.
J’ai cru le temps suspendu.
Le monde ne cesse pas de tourner pourtant et il y a même de belles joies, de jolies nouvelles et des naissances à fêter.
Mais le monde a pris un sale coup dans la tronche. Peut-être bien que je suis un peu plus avec lui finalement. De ma petite vie occidentale qui n’avait pas tant d’inquiétudes.
J’ai cru le temps suspendu, arrêté aux portes de nos maisons fermées ou de nos visages calfeutrés.

Mais le monde, bancal, continue de tourner et le temps avec lui. 

J’ai cru le temps suspendu.
Et on a repris le chemin de l’école. D’une façon différente mais avec un semblant d’habitudes à retrouver. Et elles sont là. Passé le gel des matins, des midis, des récrés, passé le sourire caché, on se retrouve comme avant. Avec les mêmes soucis sur la cour, la p’tite moquée en douce, celui la tête à côté parce qu’à la maison c’est toujours compliqué, et tous ceux pour qui les heures adolescentes donnent envie de vivre , de vivre simplement, de vivre plein de projets encore. Et nos heures de classe, à nous, défilent on espère pour longtemps.

Et j’ai retrouvé les semaines, les emplois du temps, les réunions et le vendredi soir qui se pose. Mes étudiants débarquent, linge sale dans la machine et jolis moments à partager. Le petit dîner, quelques crêpes parce que le sucré remplit autant les ventres que  les cœurs.

Et j’ai retrouvé mon groupe de partage de la Parole. Les masques n’empêchent rien, surtout pas de lire Ta parole encore, de se frotter aux textes, aux mots, aux autres temps de Ton temps. Amos brûlant me redit que ce temps des hommes est fait de rude, d’injuste, d’imparfait.
Tout le temps.

Mais que dans ce temps-là, justement, depuis l’infini jusqu’à l’infini, Ta Parole les a portés, nous porte, me porte.

J’ai cru le temps suspendu.
Mais non, il continue fait de douleur, de sucré, de Toi. De ce drôle de mélange de vie.
Rien ne change.
Mes roses et mes gris de toujours se côtoient.
Et Ta Lumière, dans mes p’tites prières, laisse  aux couleurs du temps leur seul éclat.