Une p’tite quarantaine

Dimanche, on a attendu que le soir arrive et on a défait Noël, l’arbre, la crèche, la couronne à la porte d’entrée. On a rangé les bougies, les santons, les guirlandes. On a éteint les lumières.

Ce lundi, quand le jour s’est levé, j’ai écouté l’évangile – j’aime bien lire mais pour les évangiles, j’aime peut-être encore davantage les écouter alors je l’ai écouté celui d’aujourd’hui qui disait une parole de mercredi des Cendres. Ça m’a fait sourire. Noël rangé, Pâques reviendra.
Il y a eu l’Avent, il y aura le Carême.
Je n’aime pas beaucoup l’attente je crois mais j’aime beaucoup ces attentes-là.

Et ce calendrier qui chaque année conduit mes pas vers Dieu et jamais de la même façon. Le paradoxe des recommencements qui ne sont pas là pour répéter des habitudes mais pour grossir le cœur de ce qui surprend, s’ajoute, s’enfle. Oui, c’est ça. J’aime ce qu’il peut y avoir de nouveau dans les habitudes. Pas seulement pour Dieu. Dans la vie en entier, c’est pareil.

Alors j’ai plongé dans mon quotidien.
Celui  fait de simple et d’ordinaire, celui qu’on ne prend pas trop la peine de raconter. Loin des bruits parasites, dans le bruit des vies.
Le défilé des jours au collège à être avec eux, au mieux, dans la joie souvent. Le défilé des réunions en paroisse à partager avec une petite communauté, dans la joie souvent. Le défilé des rencontres dans le quartier, dans les rues plus lointaines aussi, le difficile qui m’arrête parfois pour que j’y pose un peu de joie, un peu oui. Le défilé des soirées à la maison riches de nous tous si souvent réunis, et le retour de petite Marie, bientôt, dans la joie, toujours.
Le riche du simple et de l’ordinaire. Le doux des habitudes. Le difficile au creux de quelques heures. La vie, rien de plus.

Et je me suis demandée combien de jours ce temps-là durerait encore. L’ordinaire entre l’Avent et les Cendres.
Un peu plus d’une petite quarantaine…
Oh…comme un tout petit désert empli du presque rien des jours. Un temps sans rien au bout. Un temps fait de lui-même. Et des autres, proches, tout autour.

Et peut-être que ce serait pas mal de le regarder autrement. Une petite quarantaine de jours ordinaires à remplir de Lui, à ne pas attendre de naissance ni de résurrection, à les savoir simplement, et prendre le temps d’entendre sa présence. Ici et maintenant.
Un temps sans rien au bout.
Juste une petite quarantaine d’amour.

à garder

– Madame, on va l’enlever la crèche ?

La phrase était interrogative et ils m’ont attrapée cet après-midi entre deux cours.
On l’avait installée ensemble le temps des récrés du premier lundi de l’Avent. J’ai cru que de la même manière, ils voulaient une  date pour la ranger.

– Oui, oui… on attend que le temps de Noël soit terminé et lundi, on range. Lundi, récré du matin, ça vous va ?

Ils se sont regardés. Exactement comme s’ils avaient quelque chose à me demander.

– On voulait savoir si, une fois qu’on l’aura enlever d’où elle est, si, au lieu de la ranger, on peut la réinstaller le temps du caté de vendredi prochain…enfin pas le décor si vous ne voulez pas, juste les personnages enfin juste Jésus, Marie et Joseph même, ça suffira…

– Et bien…ce ne sera plus Noël et j’ai prévu autre chose…mais…enfin, pourquoi vous voulez la réinstaller ?

– Mais pour notre coin prière de caté ! … Vous nous avez demandé de chercher des idées pour le préparer: on a décidé que garder la crèche et Noël tout le reste de l’année dedans, c’était bien non ? Vous voulez bien ?

 

J’ai souri. J’ai souri à leur bonne idée. J’ai souri à leur ça suffira.
Sans leur dire qu’il y a quelques jours, j’écrivais ici même que je voulais trouver Noël ailleurs.
Je me suis trompée de verbe. De Verbe peut-être même.
Ce sont eux qui ont raison.

Noël n’est pas à trouver.
Noël est à garder.

 

 

 

 

 

Soir

Le silence.

 

La maison s’endort, je veille. Vigilance promise à Ton écoute.
Une bougie, un peu de reste de Noël.
Je vais me défaire de mes gestes. Oublier mes mouvements.
Me poser.
Prendre un chemin en moi et attendre.

 

Ne rien dire. S’arrêter sur chaque image qui défile dans ma tête, puis, lentement,
essayer de ne voir que Ta Lumière et trouver, doucement,
des mots pour ma prière.

Entendre ceux qui me sont soufflés.

Promesses de lendemains riches de Toi.

 

J’éteins la bougie.
Volutes de fumée.
Derniers mots priés.

Lire encore, écrire un peu.

S’endormir.
Apaisée.

 

 

Trouver Noël ailleurs

Je vais bientôt ranger le petit Jésus d’argile, l’emmailloter dans un lange de papier de soie, le garder dans une boîte précieuse.
Je vais bientôt suivre un Jésus de Feu, continuer à lire Ses mots dans un livre aux pages usées, les garder au creux de mes heures.

Cinq jours et le retour du temps ordinaire.

 

Je vais trouver Noël ailleurs.
Continuer à le vivre.

 

 

 

Et ils avancent

Je joue encore à ça.

Chaque année, invariablement, je les fais avancer dans la crèche, sur un chemin de paillettes, je les approche un à un, doucement, les fais s’arrêter devant la mangeoire où un bébé semble dormir, reposé.
Ce n’est peut-être pas tant un jeu qu’un petit instant qui sourit à l’enfant que je fus et qui ne manquait jamais de faire parler les trois compères – l’un était fatigué, l’autre voulait s’arrêter là, le dernier soulignait que la nuit était proche et que l’étoile attendrait bien demain pour repartir. Ils pouvaient avoir faim, ils avaient souvent soif, je les rendais vivants.

Je les pose en silence aujourd’hui.
Je les fais toujours avancer sur le même chemin.

Et on dirait que chaque pas qu’ils font me rappelle que s’avancer vers Dieu prend ce long temps-là.
Et on dirait à faire avancer mes Mages entre Noël et l’Épiphanie que ce chemin est toujours à refaire.
Et on dirait qu’on y arrive à s’agenouiller devant ces langes qui l’emmaillotent comme devant le linceul qui bercera son corps meurtri mais que jamais, jamais on est assez là, vraiment là, et qu’il faut sans cesse repartir et refaire. Sans cesse revenir.

Je joue encore à ça. Je pose mes Mages un peu plus près de Lui chaque jour.
Et ils avancent.
Et moi dans leurs pas.

 

Vouloir la joie

“Rappelez-vous que lorsque vous quittez cette terre, vous n’emportez rien de ce que vous avez reçu, uniquement ce que vous avez donné.”
Saint François d’Assise

 

Sans doute qu’il y a l’habitude, probablement un rituel devenu mécanique, invariablement les mêmes mots. Des bises claquées sur nos joues, des sourires à faire briller les yeux, des mains aux paumes qui s’embrassent.
Le passage à l’an nouveau répète chaque année ses mêmes gestes et son lot de bons mots.

Evidemment, on sait bien que cela n’a pas d’effet sur les temps à venir, que chacune des petites listes de résolutions ne changera rien ni aux haines ni aux souffrances. Evidemment, les jours nouveaux recommençant n’aligneront pas des heures magiciennes teintées de rose bonbon. Evidemment, les vies garderont ces teintes de gris qui rappellent crûment, lorsqu’on souhaiterait l’oublier, que nous sommes simplement de passage.

Mais je continuerai à vouloir la joie.

Non pas celle qui aseptise l’air ambiant, factice, à coups de faux-semblants ou de pieuses paroles.
Non pas celle qui écarte, aveugle, les blessures, les miennes et celles qui croisent mon chemin.
Non pas celle qui vocalise, bruyante, les faux refrains des promesses de bonheur à tout prix.

Non, je continuerai à vouloir la joie.

Celle qui ouvre les volets au matin et sourit au ciel brumeux,
celle qui accompagne leurs mots maladroits,
celle qui croit que chaque main tendue vaut la peine,
celle qui embrasse le soir d’une toute petite prière.

Je continuerai à vouloir la joie. Sans majuscules, sans ostentation, sans audace.
Petite, volontaire et têtue.

 

Je vous souhaite à vous aussi, amis lecteurs, de poser un peu de joie dans vos heures de 2020, parce que je crois qu’en osant la vivre et la donner, elle vous fera sourire, dire merci et agrandir vos bras pour aimer. Belle année de joie à donner !

Corine

 

Chapelle Notre-Dame de la Joie – Penmarc’h

 

 

Comme une tempête

Jour 24

 

Et il y a toujours ce moment où mon ventre de maman pense à Marie, au feu brûlant qui a vécu en elle, à son oui qui nous a tout donné.

 

Faire naître est une tempête, un vent violent qui serre les entrailles, un souffle intérieur qui ne demande qu’à respirer.
Je crois que je sais vraiment Noël depuis que je suis maman. Oh non pas qu’on ne le sache pas autrement, mais je sais Noël comme ça depuis eux.
Parce que lorsqu’on a déposé mes bébés sur mon ventre, j’ai aussi su que donner la vie c’était à vie. Et une vraie tempête l’a bouleversée à jamais.

Faire naître est une tempête, un vent surprenant qui soulève les entrailles, un autre souffle qui s’unit au nôtre.
Marie. petite Marie, si grande. Je pense à toi. Ton Joseph est là, près de toi, seul. Là où les femmes du village, ta propre mère, tes tantes, tes sœurs, tes cousines auraient dû être. Marie, petite Marie, si forte.
Et la tempête a déchiré tes entrailles, un vent de Vie a ouvert ton corps, un Souffle est né de toi pour nous.

Il y a toujours ce moment où mon ventre de maman pense à toi, Marie, au feu brûlant qui a vécu en toi, à ton oui qui nous a tout donné.

Mes Noëls sont d’éternels mercis.

 

Jour 24
Et merci à toutes et à tous d’être là, d’être venus m’accompagner sur ce chemin d’Avent. Je vous souhaite à toutes et tous du fond du cœur, lecteur de passage, régulier, ami, proche, de vivre un très joyeux et saint Noël. Que ce Souffle nouveau vous apporte un peu de Paix.
Corine

 

Du vent dans les voiles

Jour 23

Plus qu’un jour. On y est presque. J’ai tenu la barre de cet Avent tout empli de vents.
Heureuse.
Mais tout de même soulagée d’arriver à son terme. Demain encore mais plus que demain.  😉

Parfois j’ai des idées et je ne sais où le vent me mènera avec elles. C’était un peu ça avec ces vents de décembre. Chaque jour, se demander de quel vent il sera fait et chaque fois se dire, basta, on verra bien, autant en emporte le vent ! Comme un peu de confiance à poser dans cet Avent, c’était bien.
Ce matin encore, même question, petite inquiétude – vais-je encore avoir une idée de vent- et retrouver dans le partage d’une conversation un petit souvenir amusé.

 

J’aimais bien les expressions de grand quand j’étais petite.
Celles qui disaient autre chose que ce que les mots disent d’habitude. Celles qui faisaient chanter les phrases sans vraiment comprendre le fin mot, et surtout, celles qui me faisaient deviner leur sens sans le demander aux adultes.

Au soir du 25, après les sourires, les rires et les partages, il y avait parfois des rires un peu plus forts que les autres et là, j’entendais un “Oh ça y est…il a du vent dans les voiles !”
Je ne savais pas ce que cela signifiait, je ne savais pas que la joie avait joué du côté du “un peu trop” et que les rires avaient fait lever les verres plus souvent qu’à leur tour.

Il a du vent dans les voiles !
Je ne gardais que la joie parce qu’à les voir, à les regarder, à les entendre, il y avait la Joie et j’imaginais que le vent dans les voiles, c’était simplement le cœur gonflé, la voix haute, l’œil brillant comme une grande bourrasque qui se lève pour aimer.

J’en étais restée à ma définition.
Jusqu’à une jolie rédaction d’un retour de janvier de CM1 qui devait raconter Noël, et un effet de style dont je ne m’étais pas assurée du sens avec un “à la messe du 25 décembre, tout le monde chantait à pleins poumons et avait du vent dans les voiles…”
Mademoiselle Marie-Jeanne avait souri avec son crayon rouge sans avoir eu le temps de m’expliquer et au moment de la lecture à la maison et de la signature du devoir, l’attitude fut aussi amusée.
– Tu es certaine de ce détail ?
– Comment ça, oui!!! Même moi j’avais du vent dans les voiles !
-……

Il me fallut une explication de texte.
Et mes excuses à la maîtresse qui sourit encore davantage que le rouge de son crayon.

 

Jour 23. Finalement Seigneur, je crois que l’attente de la veillée me grise toujours un peu… 😉
Du vent dans les voiles, peut-être oui , donne-nous un cœur qui se gonfle pour embarquer à Ton Large !

Vent de folie

Jour 22

C’est un vent de folie.

Mais pas celui du rush des derniers jours dans les rayons enguirlandés pour un cadeau, encore un, un autre.
Mais pas celui de la liste de course pour les recettes aux petits oignons et les petits plats dans les grands.
Mais pas celui des cartes joli Noël à souhaiter aux quatre coins des amitiés d’un demi-siècle d’une petite vie.
Même pas celui des films guimauves à souhait qui s’enchaînent, des chocolats chauds, des pains d’épices, des étoiles de Noël.

Non.
C’est un vent de folie tout autre qui souffle aujourd’hui.
Celui d’un homme.
Un tourbillon bouleverse sa vie.
D’un amour tout simple, d’un foyer à construire comme le font tous les amis de son village depuis des générations, d’une vie ordinaire comme toute vie ordinaire, il est là, Joseph, sans rien avoir demandé, devant ce vent de folie qui l’emporte malgré lui.

C’est un vent de folie d’être venu dans sa vie, dans la vie de celle qu’il aime, choisie.
C’est un vent de folie Seigneur et Joseph se laisse emporter.
Par amour.

C’est un vent de folie d’amour.
C’est un vent de folie d’amour Noël.

Jour 22. Dans la joie tourbillonnante des préparatifs, redis-nous Seigneur l’essentiel de cet amour fou. 🙂

 

à l’abri des vents

Jour 21

À l’abri des vents, ils prennent un dernier petit café. Ils ont sillonné les rues toute la journée. Ils ont servi des cafés. Ils ont téléphoné pour des places, pour des lits, pour une nuit. Ils ont insisté. Ils sont soulagés de les savoir au moins pour ce soir à l’abri.

À l’abri des vents, le hasard d’une lecture.

Jour 21. Prier.  🙂