Clin Dieu

Il y avait ce bonhomme d’une dizaine d’années je crois à la messe ce matin. A côté de moi et de sa mamie qui lui racontait, avant le début de l’office,  son arrière-arrière-arrière grand-père, né en 1879.
– Mais s’il était mort à la guerre avant d’être papa, je n’existerai pas alors ?
– En effet…
– C’est vraiment moche la guerre, ça empêche à des gens de naître et de vivre et d’être heureux même !

 

 

Petit silence.
La mamie me sourit, se penche à l’oreille de l’enfant, l’embrasse pendant le geste de paix.
– Alors, n’oublie pas d’être heureux.

 

Y a bien un “h” à historique ?

– M’dame, y a bien un”h” à historique ?
De toutes les questions d’élèves sur l’orthographe, celle-ci m’est restée comme l’empreinte d’un de mes plus jolis souvenirs.

 

J’avais  22 ans.
C’est drôle de commencer un billet comme ça. Je me rends compte que de tous les témoignages que j’ai lus et entendus ces derniers jours sur la chute du mur de Berlin, les gens commencent à en parler en disant quel âge ils avaient et ce qu’ils faisaient précisément ce jour-là.
J’avais 22 ans et je ne sais pas si l’âge a quelque chose à voir avec les histoires qui nous marquent. Sans doute.
En novembre 1989, pendant qu’une page de l’histoire tombait – littéralement- moi j’en commençais tout juste une. Mon histoire avec mon métier de prof. Alors la chute du mur, pour moi, garde toujours cette saveur-là. Et celle du “h” à historique.

J’ai fait mes premiers pas dans un lycée et je me suis retrouvée à 22 ans devant des élèves de Première qui pour certains – parce que leurs parcours avaient été difficiles – n’avaient que quelques années de moins que moins, quatre seulement pour cette jeune fille.
Sarah.
Paradoxalement, cela ne rendait pas les chose difficiles. J’étais la professeure, elles les élèves. Il n’y avait que des filles dans cette filière-là. Et une confiance, une belle confiance réciproque.
Fin septembre, Sarah n’est pas revenue en classe après seulement deux semaines passées au lycée.

Avec sa classe, un petit effectif, mes débuts se passaient plutôt bien: ces jeunes filles avaient toutes l’envie de se sortir d’un collège pas toujours heureux et avaient surtout en ligne de mire un baccalauréat qui leur donnerait la clé de leur avenir. Moi, je démarrais et je n’avais qu’une envie: leur donner la possibilité de passer le bac de français sans trop d’encombre. Les préparer à l’épreuve fut un vrai et beau défi à relever. Je fus soutenue par mes collègues qui auraient presque tous pu être mon père ou ma mère. Ce fut une année extraordinaire de partages et d’amitié.

Pour Sarah aussi.

Début novembre, le jour de la chute du mur, Sarah a mis au monde un petit garçon. Elle est revenue en classe au printemps, a passé l’oral et l’écrit du bac, a obtenu son bac l’année suivante. Je me souviens de la maman de Sarah, une maman courage qui l’a aimée au-delà de toutes les blessures et difficultés.

 

Une semaine après la chute du mur, je me souviens que la classe avait écrit une carte, enveloppé la layette qu’elles avaient achetée en cadeau à la fin d’un de mes cours. Je me souviens que Fatia avait écrit: “C’est un beau jour…historique! Cela te portera chance” en me demandant “M’dame, y a bien un “h” à historique ?”
Je me souviens surtout de la gentillesse de toutes.
Je me souviens des murs qui peu à peu tombaient aussi pour Sarah.

La vie a continué depuis 30 ans. D’autres murs sont tombés, d’autres se sont construits. Dans l’Histoire, dans nos histoires, dans ma vie aussi.
J’ai gardé de Sarah l’envie de toujours être prof parmi tous.
J’ai gardé de Fatia mon amour pour leur orthographe approximative.
J’ai gardé de la chute du mur de Berlin une anecdote, une poussière de vie comme j’aime les ajouter à ma vie et qui me donne l’audace de toujours sourire.

 

Une quinzaine d’années plus tard, j’ai appris que Sarah s’était mariée et qu’elle était devenue infirmière-anesthésiste, qu’elle était maman de deux autres petits garçons. J’ai eu d’autres nouvelles il y a peu. Sarah va toujours bien.
Elle a marié son garçon de 30 ans l’été dernier.

               Crédit Reuters

Il faudrait voir

Il faut me voir dans les magasins en ce début novembre, je crois que je suis assez drôle à suivre. D’abord, je ne les fréquente pas plus que ça en cette période chargée d’autres virées  mais comme il faut bien manger, il y a quelques inévitables. Il faut me voir avec les petites ornières que j’ai posées au coin de mes yeux pour ne rien voir, vite trouver la farine, l’huile d’olive et les allumettes et filer en douce.

Il faut me voir dans la maison plongeant dans l’automne de mon jardin et le regarder prendre un air de paysage d’impressionnistes, ceux qui peignent les rousseurs avec audace. D’abord, ramasser les feuilles mortes, découvrir les fruits de saison du potager, quelques poires encore, les petites citrouilles, les nouveaux butternuts. Il faut me voir m’arrêter aux recettes de soupes pour ne rien sentir d’autres, éplucher, faire revenir, mixer et ne pas le respirer.

Il faut me voir au collège, en cette reprise, croiser les élèves et les collègues et les parents sur les textes les cours les rendez-vous, ceux de novembre. D’abord, faire le point, avancer doucement encore, écouter la pluie sur les carreaux pendant que leurs nez se penchent sur leurs cahiers. Il faut me voir fermer mes oreilles au projet de fin d’année, pour ne pas trop l’entendre. Pas encore.

Il faut me voir ce soir, à quelques petites heures de se retrouver en équipe pour préparer la messe, celle du 24, celle du Christ-Roi. D’abord, relire les textes, préparer un peu les commentaires avant d’accueillir les amis du quartier, “un roi pas comme les autres”, ne pas regarder plus loin, ni après. Il faut me voir jeter le coup d’œil furtif sur les chants du dimanche qui vient ensuite et vite fermer la chemise pour aussi vite les oublier. Pas déjà.

Il faut me voir, je crois que je suis assez drôle à essayer de ne pas y penser, pas encore, à vouloir  ne pas l’écrire, pas déjà, à ne pas regarder ceux qui le font trop tôt un peu trop briller.

Je veux garder encore l’automne avant de poser l’hiver dans mes paysages.
Je veux garder encore l’attente de l’Attente au long des jours gris et pluvieux.
Je veux garder encore les parfums de vin chaud et de pain d’épices loin de moi.
Je veux garder encore Noël* secret, silencieux, tapi tout au fond de mon cœur. Là où Il demeure.

 

* j’ai soulevé le couvercle de la boîte qui renfermait mes santons, mais ça compte à peine. Si, vraiment.  😉

 

 

 

Ce n’est pas très sérieux

Ce n’est pas très sérieux un début de novembre qui écrit la liste des santons à commander cette année pour agrandir ma crèche bretonne, qui descend au sous-sol pour aller chercher la boîte bien rangée, qui l’ouvre doucement juste pour vérifier si celui-ci, je ne l’ai pas déjà.
Ce n’est pas très sérieux juste avant la messe des Défunts de sourire et de rire et de bavarder autour d’un thé, de retrouver Anne-Priscille, et tant à se raconter, on fait bien de continuer à aimer il n’y a rien de mieux à faire.
Ce n’est pas très sérieux juste après la messe au soir d’un samedi de tempête de tracer la route pour partager avec les cousins des bords de l’océan un dîner plein de joyeux souvenirs d’enfance, de vacances, de visages jamais oubliés.
Ce n’est pas très sérieux de préparer ses cours un dimanche après-midi tout feutré, de corriger les dernières copies devant le feu, d’écouter encore une vieille playlist au goût d’insouciance et puis d’inventer de nouvelles histoires à leur raconter, demain.
Ce n’est pas très sérieux d’écrire encore.
Ce n’est pas très sérieux de croire.
Ce n’est pas très sérieux d’aimer.
Ce n’est pas très sérieux la vie.

 

Bien plus là, encore

J’aime bien cette fête de la Toussaint.
Lever le nez au ciel pour embrasser d’un sourire ceux que j’aime et que je ne peux plus serrer dans mes bras.

 

– Et si un jour tu meurs, tu seras quand même encore avec moi ?

Je serai dans toutes les petites choses de ta vie qui te diront que la mort sépare bien moins que nos mensonges, nos silences coupables et tous nos manques d’amour. Je serai bien plus là, encore, tu verras.

 

 

Peut-être

Peut-être qu’il y a pas mal d’habitude, peut-être un soupçon de cette conscience qui tiraille, peut-être un pied-de-nez à la mort, celle à laquelle on croit échapper un peu, nous, encore un peu.

Je ne sais pas ce qui pousse les gens à prendre ce temps d’aller mettre une belle potée de chrysanthèmes sur les tombes. Sur leurs tombes. Celle du grand-père, celle de la vieille cousine, celle de la sœur tant aimée. Celle de ce gamin foudroyé en pleine jeunesse, celle de cette petite qui ne voulait plus vivre, celle de Manu mais c’est bien trop jeune pour mourir d’un cancer.

Je ne sais pas mais les cimetières de ce temps de Toussaint me touchent.
Ils m’ont toujours touchée à ce moment de l’année, là où les peines encore vives croisent les vieux souvenirs délavés par le temps.

Il pleut. Si souvent ces jours-là.
Parfois un rayon de soleil sur les pierres humides fait perler les gouttes restées sur les pétales jaunes vifs, fait briller les orangés devenus éclatants, fait presque oser les rose pâle qui alors s’étalent.
Il pleut. J’aime les voir passer, les gens emmitouflés dans leurs souvenirs se racontant celle ou celui qui n’est plus.
J’aime écouter leur silence aussi. Ils ne prient pas.
On dirait qu’ils prient pourtant.

Je ne sais pas ce qui pousse les gens à venir fleurir les tombes.
Je ne sais pas si cela se fait moins qu’avant. Chez moi, les cimetières sont couverts de couleur. On vient nombreux. En famille. Peut-être qu’il y a pas mal d’habitude, peut-être un soupçon de cette conscience qui tiraille, peut-être un pied-de-nez à la mort, celle à laquelle on croit échapper un peu, nous, encore un peu. Un jour, ce sera nous. Aussi.
Je crois qu’il y a cette question. Celle qui accroche nos vies à l’âpre de notre existence.

 

Et après ?

 

Qu’on ose espérer ou qu’on ne croit pas, il reste que tous les lits de granit fleuris des soleils d’automne me font sourire, sourire très doucement.
Peut-être parce que j’ai toujours l’impression, à ce moment-là, qu’ils donnent à l’absurdité de nos vies une petite, une vraie, une audacieuse raison d’espérer.

 

Comme une pierre de Rosette

Il y avait ses 20 ans tout neufs à fêter alors on s’était dit que Londres pour 5 jours pendant les vacances de Toussaint à retrouver notre petite grande Marie, ce serait bien.

C’était bien comme une petite bulle d’air au-dedans d’un monde qui ne cesse d’avancer, vite, qui ne s’arrête ni de rire ni  de souffrir presque dans un même souffle. J’ai déambulé les rues avec les mêmes lumières et les mêmes ombres et ce soir-là, à Covent Garden, au sortir d’un Pub empli de chaleur et de joie, je me suis retrouvée presque nez à nez avec la très trop terrible longue file vers la soupe populaire. Je ne peux jamais traverser la ville légère. Pourtant, mon cœur était léger, nul doute, léger de tout l’amour qui le remplit. Petite bulle au-dedans d’un monde un peu fou. Mais beau, beau pourtant.

Et il y a eu ce moment, le lendemain, moment mêlé de souvenirs et de rêves d’enfant. De cet espoir trop fou, de cette foutue Espérance.

Mademoiselle Jeanne accrochait le panneau couvert d’un carton légèrement glacé qui donnait aux couleurs pastels un éclat particulier. C’était toujours en fin d’après-midi, au retour de la récréation, à cet instant où la journée commence à se faire longue. Je me souviens de ce temps comme un temps très calme mais aussi fait de cette curiosité d’enfant qui ouvre grand les yeux, les oreilles, qui tend tout le corps lorsqu’il est prêt à recevoir, apprendre, découvrir. Elle écrivait juste à côté, à la craie blanche, le thème du jour. Une nouvelle leçon d’histoire.

Champollion et la pierre de Rosette

Et je buvais ses paroles.
Je n’étais pas de ces bavardes, main toujours levée à questionner. Non, j’écoutais. J’écoutais ce que mademoiselle Jeanne racontait et ses mots, mêlés aux couleurs des images, prenaient vie dans ma petite tête de petite fille.
Je me souviens encore de mes rêves d’archéologue-aventurière-Indiana-avant-l’heure. Je me souviens que je voulais un chien et l’appeler Champollion. Je me souviens avoir recopié dans Tous les trésors de l’Egypte reçu au Noël suivant les lettres grecques de la pierre de Rosette.
Et cet instant. Vif encore.
Cet instant où je me suis dit qu’il suffirait de traduire tous nos mots les uns aux autres pour tous nous comprendre.
Rêve d’une nouvelle Babel, indestructible, qui dépasserait les lois humaines, la pierre de Rosette est restée pour moi comme le souvenir d’un monde meilleur possible. Un rêve possible. Loin de tous les silences, loin de tous les non-dits, loin de toutes les incompréhensions, Rosette révélait le sens, éclairait ces drôles de signes incompréhensibles, me donnait à croire que le monde était fait de beau. Qu’il était aussi fait de beau.

Il y a eu ce moment, le lendemain, moment mêlé de souvenirs et de rêves d’enfant.
Je suis entrée dans le British Museum, pour la troisième fois de ma vie, avec la même émotion.
Plantée devant la pierre de Rosette.
Retrouver Champollion et rêver en une petite prière au beau d’un monde à décrypter, à comprendre, à aimer.
Dans nos vies, dans ma vie, dans les rues, parmi la chaleur et les sourires, auprès des longues et très et trop tristes files d’attente pour une soupe ou un café. Aimer ce monde. Le comprendre. Ne pas le comprendre. Essayer. N’y rien comprendre. Essayer encore. Ne jamais baisser les bras pour l’aimer. L’embrasser, embrasser ce monde, toujours. Le cœur grand ouvert, les yeux levés. L’aimer. Sans nul doute.
Comme une pierre de Rosette.

Bruissement

Il y a la persévérance qui résonne ce matin dans les mots d’évangile.
Peut-être que nos cris sont aussi de ceux qui ne font pas beaucoup de bruit. 

 

 

Ma prière ne fait pas de bruit
Elle ne chante pas dans les églises
Elle ne se récite pas à haute voix
Elle ne lève pas les bras au ciel

Elle est un souffle
Elle est une vague
Elle est un murmure
Elle est un bruissement

Et Tu l’entends.

 

 

Regarde ce ciel…

C’est peut-être le gris de l’automne, les pluies qui traversent les jours sans s’arrêter, le vent mouillé qui s’infiltre dans nos maisons.
Je ne sais pas. Mais que l’air du temps est maussade! Plus que d’habitude ? Je ne peux jamais mesurer ça, je ressens seulement qu’il est maussade dans le bonjour de la boulangère qui se plaint d’un mal de dos lancinant, dans les bagarres de récré qui redisent le compliqué de vivre ensemble, dans les écrans qui ne voient que du noir lorsqu’au matin,  j’ose encore les regarder.

C’est peut-être les gris de l’automne qui estompent les traits de lumière.

Pourtant.
Je veux les voir ces traits-là, non par naïveté ni manque de lucidité sur le monde qui tourne, non, je veux les voir parce qu’ils existent. Nombreux.
On me dira c’est bien facile, toi tu peux., c’est facile ta vie…  ils ne savent rien mais je répondrai  je ne peux pas plus qu’une autre, mais je le veux.
Je veux voir le joli de ce monde dans tous les gris de l’automne.
Je veux le regarder. Bien davantage.

Il y a ces gamins qui ne trouvent pas le bon ton pour vivre ensemble, ces classes où rien n’est facile. Et puis, cette petite qui les scotche pendant 30 minutes, qui les fait taire, qui les fait écouter surtout. Elle raconte son pays, Haïti. Elle raconte sa vie. Elle leur dit surtout l’espoir d’être heureux si on ne baisse pas les bras. Et on dirait que le ciel s’éclaircit un peu.

Il y a cette indifférence au coin des rues, ces cafés qu’il faudrait multiplier aux mains tendues, ces abandons des plus pauvres. Et puis, le projet un peu fou des amis qui veulent encore y croire à ce plus de partage, à ce plus de justice. Une maison encore une pour se poser, retrouver un travail et une vie décente. Elle nous dit le possible d’un toit qui abrite, réconforte, donne du sens à la vie. Et on dirait que le ciel est moins gris.

Il y a nos diversités, nos choix et Dieu dans tout ça. Difficile d’être catholique aujourd’hui dans une Eglise aux fêlures fragiles. Et la guitare de l’ami chanteur qui nous réunit, quelques-uns, tellement différents, pour faire un album ensemble. Il chante la vie. Il nous chante Dieu. Il nous dit surtout d’être heureux à se retrouver. Et on  dirait que le ciel s’éclaircit un peu.

Il y a sa solitude, sa maladie, sa tristesse. Et puis, un après-midi à bavarder, une rémission de quelques jours sans douleur, une visite qui fait sourire.

Je voudrais faire une petite liste qui ne s’arrête jamais.
Celle de tous mes cailloux blancs posés sur mon chemin. J’aurais l’allure de celle qui ne voit que le joli, inconsciente du monde. Peut-être.
Peu importe. J’aurais peut-être bien l’allure de celle qui ose dire ce qui va bien quand il est de bon ton de répéter en boucle tout ce qui va mal.
Tant pis. Tant mieux.
Je veux regarder ce Ciel.

C’était un peu après 18 heures.
La journée n’avait été que pluie, énervement, fatigue, sanctions. Le cœur triste de ne pas réussir à avancer. La conscience, celle un peu lourde, de ne pas avoir fait les bons choix, de ne pas avoir dit ou écrit les bons mots.
J’allais quitter le collège le cartable plein de tout ce qui n’allait pas, ici et là.

La pluie a cessé.
Le goudron de la cour a déroulé un tapis brillant comme une place pour faire danser nos pieds.
On a ouvert la fenêtre, regardé juste avant de quitter la salle.

Elle m’a dit:
– Regarde ce ciel, ce bleu…encore!

 

Porte ouverte

Vous savez à quoi ça ressemble quelqu’un ou plutôt quelqu’une, jeune – enfin bientôt la trentaine mais c’est bien jeune -, presque prof, avec une vie qu’elle a voulu d’abord ailleurs, dans un pays un peu loin, et puis le concours de prof, et hop dans le bain, et ça lui plaît vraiment, avec sa vie entre un mari enfin elle n’est pas mariée mais c’est pareil, c’est ce qu’elle dit et je la crois en regardant les photos qu’elle me tend d’un bout’chou de 2 ans trois quarts qui la réveille souvent la nuit.
Vous savez à quoi elle ressemblait lorsqu’elle m’a demandé à la fin de la formation de ce jour-là, en s’approchant de la table où j’avais posé tout mon bazar:
– Je peux regarder ?
Evidemment.
C’est drôle qu’elle ait demandé à regarder parce qu’elle pouvait le faire sans demander.
Et ses mains posées délicatement – oui je crois que je peux écrire délicatement-  sur la couverture.
– C’est la première fois que j’ouvre ce livre-là.

Elle ressemblait à une madone.
Mais c’est mon imagination et peut-être ses cheveux je ne sais pas, ou la lumière à cet instant, ou son regard baissé sur le livre.

On a parlé un tout petit peu.
On se revoit dans un mois alors j’ai bien fait d’oser lui dire qu’elle pouvait l’emporter.

Elle pourra me dire comment c’était ses premières lectures dans ma petite Bible.