Le grand plateau de nectarines rapporté des courses traîne sur la table depuis plusieurs jours. Une grappillée pour un dessert, l’autre le temps d’un petit creux, on en a même utilisé quelques-unes pour une jolie coupe de glace d’été. Mais il semble qu’il en reste toujours autant et les dernières…ah les dernières ! C’est déjà un peu trop tard pour les attraper en gourmandise: leur chair s’est amollie, et en certains endroits, le fruit trop mûr est meurtri. Il faudrait en faire des confitures. Un, deux… allez cinq fruits, j’aurai un pot, pas davantage. Est-ce que ça vaut la peine…
La plus grande casserole, celle du temps des confitures aux fraises remplacée par une tout petite, la plus petite qui réchauffe parfois le café quand on a trop bavardé et qu’il est resté à attendre dans sa tasse. Un peu de sucre roux, de la vergeoise même, parce que pour un pot, on peut bien s’accorder cette douceur. Bientôt, le couteau enlève la peau sans écorcher le fruit, puis entre dans la chair juteuse pour la découper en morceaux. La petite casserole réduit le mélange sur le feu, je cherche mes pots, un seul, un seul suffira. Un petit coup d’œil, la précieuse confiture a diminué de moitié, il est temps d’écumer. Est-ce que ça vaut la peine…
Décidément les pots habituels sont trop grands, en remplir un à moitié paraît déjà ridicule. Une grosse demie heure passée et si peu. Pour si peu. Un grand verre de cuisine suffira, un grand bleu clair, ce sera joli. Il faudrait une étiquette quand même. Un pot, même un seul qui n’est pas vraiment pot, sans étiquette, ça ressemble à tout sauf à une confiture. Je vais l’écrire sur une étiquette d’écolière, à l’encre violette, comme toujours. Je m’applique comme une petite fille. Est-ce que ça vaut la peine…
Le verre est plein, joliment doré. Il faudra attendre que la confiture refroidisse et ce tissu aux petits carreaux comme avant, avec un élastique, sera parfait pour la protéger.
Le verre est plein, joliment décoré. Et son parfum embaume déjà la cuisine. Il est 17h00. Déjà. Une heure passée. On pourrait faire des crêpes ce soir pour la confiture ou du pain perdu, tiens, ça fait longtemps. Un grand verre bleu pas si grand finalement, à quoi bon le garder ?
Et puis ce verre plein est si joliment parfumé.
Le temps qu’on prend pour les petites choses, infiniment petites, sans tellement d’importance que celle de rendre la vie un peu plus douce, ça vaut la peine. Toujours.