Est-ce que ça vaut la peine ?

Le grand plateau de nectarines rapporté des courses traîne sur la table depuis plusieurs jours. Une grappillée pour un dessert, l’autre le temps d’un petit creux, on en a même utilisé quelques-unes pour une jolie coupe de glace d’été. Mais il semble qu’il en reste toujours autant et les dernières…ah les dernières ! C’est déjà un peu trop tard pour les attraper en gourmandise: leur chair s’est amollie, et en certains endroits, le fruit trop mûr est meurtri. Il faudrait en faire des confitures. Un, deux… allez cinq fruits, j’aurai un pot, pas davantage. Est-ce que ça vaut la peine…

La plus grande casserole, celle du temps des confitures aux fraises remplacée par une tout petite, la plus petite qui réchauffe parfois le café quand on a trop bavardé et qu’il est resté à attendre dans sa tasse. Un peu de sucre roux, de la vergeoise même, parce que pour un pot, on peut bien s’accorder cette douceur. Bientôt, le couteau enlève la peau sans écorcher le fruit, puis entre dans la chair juteuse pour la découper en morceaux. La petite casserole réduit le mélange sur le feu, je cherche mes pots, un seul, un seul suffira. Un petit coup d’œil, la précieuse confiture a diminué de moitié, il est temps d’écumer. Est-ce que ça vaut la peine…

Décidément les pots habituels sont trop grands, en remplir un à moitié paraît déjà ridicule. Une grosse demie heure passée et si peu. Pour si peu. Un grand verre de cuisine suffira, un grand bleu clair, ce sera joli. Il faudrait une étiquette quand même. Un pot, même un seul qui n’est pas vraiment pot, sans étiquette, ça ressemble à tout sauf à une confiture. Je vais l’écrire sur une étiquette d’écolière, à l’encre violette, comme toujours. Je m’applique comme une petite fille. Est-ce que ça vaut la peine…

Le verre est plein, joliment doré. Il faudra attendre que la confiture refroidisse et ce tissu aux petits carreaux comme avant, avec un élastique, sera parfait pour la protéger.
Le verre est plein, joliment décoré. Et son parfum embaume déjà la cuisine. Il est 17h00. Déjà. Une heure passée. On pourrait faire des crêpes ce soir pour la confiture ou du pain perdu, tiens, ça fait longtemps. Un grand verre bleu pas si grand finalement, à quoi bon le garder ?
Et puis ce verre plein est si joliment parfumé.

 

Le temps qu’on prend pour les petites choses, infiniment petites, sans tellement d’importance que celle de rendre la vie un peu plus douce, ça vaut la peine. Toujours.

 

On ne m’a pas appris à prier

“Seigneur, apprends-nous à prier…”

C’est drôle cette Parole du jour, je la trouve toujours un peu étrange, presque dissonante. Non pas que je ne comprenne pas la demande ni son bien-fondé – enfin je crois la comprendre – mais plutôt parce qu’elle ne me rejoint pas. Pas vraiment.

On ne m’a pas appris à prier.
On m’a montré des possibles oui: Les mains, les paupières, les genoux même. On m’a suggéré des moments: le soir, avant de se coucher. On m’a fait réciter le “Notre-Père”, décortiquer chaque mot pour ne pas l’ânonner sans savoir, répéter l’histoire de cette prière dans tous les évangiles. On m’a même offert des livres exprès. Et rien n’y a fait. Je n’ai pas appris à prier.

Je crois intimement que prier ça ne s’apprend pas. Plus exactement, je crois qu’il n’y a pas de recettes…encore moins de bonnes recettes.
Même si l’éveil à la foi des tout-petits ou le caté m’entendent raconter le coin prière, la bougie, le silence, le temps qu’on prend à notre temps pour parler à Dieu, je ne suis pas dupe. Ce n’est pas un truc ainsi fait, clé en main, Notre Père qui es au Cieux et hop l’affaire est bouclée.
Je ne sais pas leur apprendre à prier.

On n’apprend pas à prier. On cherche seulement.
Les regards partagés au bord d’un trottoir, les mots criés en silence, les sourires qui feront des rides et tant mieux, les mains tendues si souvent difficiles à ouvrir, les pardons murmurés et ceux qu’on ne dira jamais, les mercis qu’on ose à peine, ceux qu’on n’ose plus, les questions sans réponse, une chanson sous la pluie, un bord d’océan à perdre ses yeux dedans, l’absence de nos mots pour dire, les pages pour l’écrire, le silence.
On cherche seulement à Te parler et à oser cette confiance insolente. Confiance insolente de croire que Tu es là et que Tu nous aimes.

On ne m’a pas appris à prier.
Je n’ai que ça. Croire insolemment que Tu es là et Te chercher.

 

 

Ouvrir les portes

Il s’est passé seulement trois jours et comme l’impression d’une éternité.

20h30. Le fils était près de terminer sa journée de boulot d’été. On a entendu le vent souffler, presque d’un seul coup comme un réveil brutal après une longue léthargie. En l’espace de nos bras pour les ouvrir, les volets ont laissé entrer le vent dans toutes les pièces de la maison. Le dehors au dedans faisant même valser quelques feuillets posés là. Le dedans au dehors poussant très vite mes pas dans le jardin. Pieds nus sur une herbe trop sèche, le nez au ciel à scruter un horizon joyeusement menaçant, j’ai souri.

20h40. Les voisins tour à tour, sur le pas de leur porte, leurs pieds nus dans leur herbe sèche. On s’est assis sur le rebord de nos maisons. On s’est donnés des nouvelles. Les futilités du temps tout d’abord. Puis les vraies nouvelles, celles qui font des bouts de nos vies. Pendant trois jours, je les avais presque oubliés recluse au frais des murs à dévorer des lectures, après le seul tôt du matin où mes pas se risquaient au bord d’un peu de fraîcheur.

21h00. Le fils avait dû achever sa journée d’usine brûlante, celles dont il se réjouit qu’elles ne soient qu’estivales et qui poussent peut-être encore davantage à mesurer sa chance de pouvoir étudier le reste de l’année. On a parlé de nos enfants un peu et certains ont déjà partagé leur joie d’être grands-parents. On s’était un peu oubliés depuis l’hiver et les départs de chacun. Le vent  a soufflé plus fort, nos voix aussi pour nous entendre, on s’est rapprochés un peu.

Il s’est passé trois jours et comme l’impression d’une éternité.
On s’est dit bonsoir. Ce n’était pas seulement la fraîcheur, le souffle du vent, la pluie même qui m’avaient manqué. On s’est dit bonsoir et je me suis souvenue qu’ils existaient. Les autres, les proches, les prochains. Ceux qu’on oublie enfermés dans nos conforts, à l’abri de ce qui pourrait nous brûler d’un peu trop près.

21h20. Le fils est rentré. Le dîner a raconté encore la vie. On a souri.

 

Je me suis dit que demain je partirai pour ouvrir d’autres portes.

Refuges

Il fallait se réfugier.
Il faut parfois prendre le temps de se réfugier.

 

Je suis rentrée de voyage et avant de reprendre la route pour goûter au repos des bords de ma Bretagne, je me suis posée dans ma maison d’ici.
C’est drôle.
On dirait que mon bureau m’a attendue sagement pendant mon absence. L’agenda, l’emploi du temps pour l’année à venir, les mails de ma nouvelle stagiaire. Ceux de ma jeune nouvelle collègue aussi. Tous mes pots à crayons, mes quatre couleurs, mes plumes, mes mines à colorier. Rien n’a bougé d’un iota. On dirait que tout attend que tout recommence. Sur un nouveau cahier, j’avais eu le temps d’agrafer une nouvelle progression d’année, le temps de gribouiller quelques titres de nouvelles œuvres que je ne manquerais pas de leur faire découvrir, le temps de souligner un nouveau projet. Le mot “nouveau” s’est inscrit partout comme si tout l’était. Déjà.
Mais une fin de juillet c’est encore trop tôt. Il faut me réfugier loin de mon métier encore un peu pour emmagasiner les soleils d’un été.

 

Je suis rentrée de voyage et avant de repartir goûter au monde bien loin des écrans, je m’y suis posée un instant.
Ce n’est plus drôle.
Mon fil d’actu ne m’a pas attendue pendant mon absence. Il continue à balancer tout ce que l’homme peut faire de plus moche en matière de mots, d’insultes, de bêtises. Je l’aime bien cette petite Greta qui a tout d’une grande, non pas seulement pour ce qu’elle ne cesse de me répéter mais parce que ses 16 ans sont à eux seuls l’intelligence de la jeunesse, celle qui ose, belle, sans fard. Elle n’est pas seule, je le sais. J’aurais bien voulu leur dire que j’en connaissais d’autres Greta moins populaires mais toutes aussi actives. Mais au fond, peu importe. Elle n’est pas seule, c’est l’essentiel. Je les vois, je les entends, je les côtoie aussi parfois ces jeunes et je sais qu’ils ne sont pas du vent.
Mais une fin de juillet c’est encore trop tôt. Il faut me réfugier loin des réseaux encore un peu pour respirer la vie iodée et tellement vivante d’un été.

 

Je suis rentrée de voyage et avant de repartir dans mes romans policiers, je me suis posée dans ce livre-là. C’est drôle. On aurait dit que les pages m’attendaient depuis longtemps. Il y a des livres qu’on ne lit pas puis un jour, on les ouvre. Par hasard, parce qu’il est temps, ou pourquoi pas. De Calvino, j’ai presque tout lu pourtant, par amour des fables, des contes, des nouvelles. Des nouvelles oui. Il m’a beaucoup appris. Mais Marcovaldo, je ne le connaissais que par quelques extraits seulement. Le livre m’a emportée. Comme un refuge dans lequel s’abriter.

 

Il se baissa pour attacher ses chaussures et regarda mieux : c’étaient des champignons, de vrais champignons qui étaient en train de pousser au cœur de la ville ! Marcovaldo eut le sentiment que le monde gris et misérable qui l’entourait regorgeait soudain de richesses cachées et qu’on pouvait encore attendre quelque chose de la vie, en plus du salaire horaire contractuel, des contingences, des allocations familiales et de l’indemnité de transport.”

 

 

“Encore attendre quelque chose de la vie.”

 

Je me suis réfugiée dans l’espace de ces sept mots.
J’y ai logé mon métier de prof à aimer et faire aimer encore, un monde tout gris à tenter de sauvegarder et d’y mettre le Beau, des rencontres qui feront grandir, mais oui, mais si, sans aucun doute.
J’y ai logé un peu de Dieu, aussi. Refuge de tous les mots qui me disent La vie, comme un filigrane qui se répète et me sourit.

Seul celui qui est en vie peut encore attendre quelque chose.”

 

Petite pause (5)

Étrange étranger

C’est étrange une grosse semaine à l’étranger. Pas si loin mais l’étranger quand même. Sept heures et des poussières de routes et voilà, c’est la perte de presque tous les repères de langue, d’habitudes, de quotidien. Il suffit de peu.

L’étrange surtout, c’est parce que je pense souvent que c’est facile de croire en Dieu. Oui, facile. Là aussi, il suffit de peu: c’est facile de le mettre au cœur de ma vie, tout le temps. Facile, ne vous méprenez pas ! … Non, pas facile dans le sens de suivre sa Parole facilement, la faire mienne, la comprendre vraiment, non,  mais c’est facile de penser à Lui, de Le lire, de Le prier, de Lui parler, de garder Ses mots au creux de ma poche comme au creux d’un cœur bref, de Lui faire une petite place dans mon quotidien. Oui, ça, pour moi, c’est facile.
Et puis, il suffit de partir une grosse semaine à l’étranger à quelques heures de la maison et tout n’est plus aussi simple.

Disparu ce joli temps de mes matins tranquilles avec Lui pour lire Sa parole.

Disparue la prière qui prenait son temps et trouvait ses mots à la fin de mes journées.

Disparue l’église ouverte toute proche pour mes pas si j’ai envie sans jamais embêter personne.

Disparue la messe.

Bien sûr oui bien sûr que je pourrai me renseigner et trouver l’heure et l’endroit exactement et y aller mais il y a ce train à prendre tous ensemble et cette visite à ne pas manquer et cette journée qu’on a pris le temps de planifier en famille et leurs rires toujours à entourer dans chacune de mes heures. Oh… ils Te font une place eux aussi, à leur manière, mais pas tout à fait comme moi. Ces derniers jours, dans l’emploi de mon temps d’ailleurs, ils étaient écrits avant Toi. Une grosse semaine à l’étranger et Tu passes un peu après eux tous. Je les aime, Tu comprends ?
Evidemment, au fond de ma poche, je garde un petit carnet pour mes mots en prières mais j’ai l’impression que ça suffit à peine. Finalement, comme le sentiment d’être partie en vacances un peu sans Toi. Plus exactement sans Toi comme d’habitude.

À moins que ce soit quelque chose d’un peu différent.
Tu es ailleurs.
Autrement.
Loin de mes habitudes qui parfois me ferment les yeux.
Loin de mon quotidien qui me rassure mais m’enferme souvent.

Tu es là, dans tous les sourires partagés, dans les regards que je pose au gré des rues et sur les visages inconnus, dans mes pas sur des chemins jamais empruntés encore, dans ce tableau niché au creux d’une visite et qui me redit tant, dans cette heure arrivée sans calcul dans une cathédrale et y attraper par hasard un bout de messe dans une langue inconnue.
Tu es là au milieu de tant de visages et de paysages que je ne connais pas.

Peut-être bien que c’est Toi, Dieu de mon quotidien, qui T’es mis en petite pause de moi cette fois.
Peut-être bien qu’ainsi je regarde mieux, vraiment.

Autrement et ailleurs.
Peut-être bien que, Toi aussi, dans cet étranger, je Te découvre.
Et c’est étrange comme je finis par l’aimer cette étrangeté.  🙂

Au détour de la maison de Rubens à Anvers, Moïse ne me montre pas ses tables de la Loi mais le visage de son épouse par dessus son épaule.  🙂

 

Petite pause (4)

Des pauses sur le chemin

Il est presque l’heure de partir. Les valises sont prêtes.

De ces petits voyages beaucoup disent que j’ai de la chance. Je crois que ce “beaucoup” a raison. Non pas dans le simple fait de voir un peu de pays – je ne suis pas une grande voyageuse en vérité – mais dans le fait de me déplacer.

Me déplacer.
Regarder ailleurs, autrement. Regarder encore et toujours quand trop souvent j’oublie de voir.
Je crois que même sans faire une valise c’est ce que Dieu me demande de faire dans ma vie. Me déplacer. Faire bouger mes lignes. Réfléchir. Oui, tu le sais bien qu’à prononcer “réfléchir”, il y a déjà un voyage, un détour, un retournement.
Me déplacer.
Non pas me mettre à la place de. Qui le pourrait ? Pas moi en tous les cas. Mais essayer d’être capable de regarder ces autres places. Cela me fait sourire parfois parce que – et ceux qui me connaissent bien le savent – je suis une fille des habitudes, des rituels, du quotidien ordinaire et guère une baroudeuse, une aventurière, encore moins une rebelle. Mais est-il besoin d’aller très loin pour se déplacer vraiment ? Je connais de ces moniales qui ne bougent pas d’un pouce et qui font les plus grands voyages.
Me déplacer.
Ce matin, en entendant ce Samaritain si souvent entendu, je me suis rappelée que de cette parabole, on oublie souvent les pas que chacun fait pour avancer. Peut-être même pour aimer. Qu’il est si facile, enfermé dans nos lois et nos préceptes, nos visions et nos avis, nos certitudes et nos batailles, de passer tout près sans regarder. On commente ceux qui ne s’arrêtent pas et on les oppose si facilement à celui qui fait halte. Mais on parle si peu du voyage. Or, tous se déplaçaient. Un homme allait de Jérusalem à Jéricho. Un prêtre et un lévite passaient par ce chemin. Le Samaritain lui-même était en route. Voilà, on le sait bien, c’est dans le déplacement que l’on avance mais souvent le déplacement ne suffit pas. Et, avouons-le, on aimerait tant être dans la halte du bon, dans l’attention qu’il porte à regarder, à s’arrêter, à soigner. On aimerait tant avoir le beau rôle. Mais passer en regardant du coin de l’œil et sans s’arrêter, c’est bien plus souvent cela nos quotidiens.
Me déplacer.
Peut-être que dans le partir, ce qui nous fera grandir, c’est surtout cet arrêt, cette pause, ces petites haltes.
Celles que l’on prend sur le chemin pour regarder. En vérité.
Et qu’il serait bien hâtif de croire que le déplacement de nos pas suffit pour faire beaucoup de chemin. Un pas vers un voyage non pas seulement sur les routes mais pour se poser, au-dedans.
Me déplacer. Faire bouger mes lignes. Réfléchir.

Il est presque l’heure de partir. Les valises sont prêtes. Je crois que je vais tenter les petites pauses sur mon chemin.  😉
À bientôt.

Petite pause (3)

Des lectures ou d’un éloge des romans policiers

Il y a avec  l’été – je dis bien l’été et non pas seulement les vacances – il y a, avec l’été, ce temps que je prends et peut-être plus exactement que j’accorde à la lecture de romans policiers.

Bien sûr, dans la pile de livres que je n’ai pas manqué de faire encore grimper tout au long de l’année, il y aura aussi quelques beaux textes de méditations, de recherches bibliques, de prières peut-être même, attrapés dans les rayonnages de l’abbaye de Bellefontaine ou sur les recommandations de Sœur Marie ( et je reviendrai vous en parler je pense). Bien sûr, il y aura aussi quelques jolis romans offerts au gré de fête et d’anniversaire et pas encore ouverts. Bien sûr, il y aura, avec la fin août, quelques nouveaux ouvrages de pédagogie, histoire de revenir doucement.
L’été possède ce temps précieux qui me laisse du temps…loin des copies, des cahiers et surtout des écrans ! Mais il y aura surtout, au cœur de l’été, sur un coin de plage encore tranquille, sous le frais d’un chêne ou encore au profond d’un bon fauteuil, la lecture de romans policiers. Mélange hétéroclite de mes lectures qui serait incomplet si je n’y ajoutais la relecture régulière de Victor Hugo, de Zola ou de Flaubert, la poésie de Baudelaire, de Prévert ou de Chédid, la littérature jeunesse à toujours découvrir, les BD laissées traînées par un mari féru de bulles, les recherches récentes et pourtant antiques d’un monde gréco-romain que j’affectionne tout particulièrement. Et je n’oublie pas quelques manuels de recettes de cuisine qui sont encore des occasions de me… nourrir. 😉 Bref. Loin de moi l’idée d’étaler “ma culture” mais davantage de redire un peu d’essentiel : si le monde aujourd’hui est aux écrans et aux oreillettes, le silence qui imprègne le temps de mes lectures reste, de tous les temps de ma vie, irremplaçable. Les mots des autres, voyages de mes romans d’enfant, étaient là bien avant que je ne trouve les mots pour parler et rien ne peut remplacer ce que toutes les pages lues ont fait de moi.

Lire, pour moi, c’est comme une éternelle gratitude du temps pris au temps.
Mais je m’égare un peu,  revenons aux romans policiers.

Je n’en lis jamais pendant le reste de l’année et pourtant j’aime passionnément ces lectures. Comme à l’habitude depuis des années, les couvertures sombres des collections “polar” viendront donc à nouveau s’ajouter à mes heures de… pauses estivales.
Après le Paris de Fred Vargas,  la Suède de Henning Mankell, l’Islande d’Arnaldur Indridason, l’Israël de Dror Mishani en passant par la Norvège de Jo Nesbo et la Venise de Donna Leon, me voici enfin prête à me plonger dans la Chine de Qiu Xaolong ! Que de voyages me direz-vous ! Et bien oui, c’est sans doute cela.
On pourrait croire le roman policier noir, glauque et pervers, cruelle plongée dans les bas-fonds de l’humanité, drôle de balade au cœur des vices et des péchés innommables, sans doute ne serait-on pas loin de la vérité. Pourtant, si la noirceur de l’humanité se raconte sur ces centaines de pages, j’y trouve à chaque fois des raisons d’un voyage fait aussi de… lumière. Et c’est peut-être cela que j’aime. La lumière d’une justice d’hommes qui tentent, au mépris de vies qui pourraient sans doute être faciles, de chercher à réparer. La lumière de pardons parfois, ceux qui nous font si souvent défaut dans le quotidien de nos vies. La lumière enfin de ce quelque chose qui fait avancer l’homme malgré tout. Malgré vraiment tout.

Il y a, avec l’été, ce temps que je prends et peut-être plus exactement que j’accorde à la lecture de romans policiers.
Petites pauses alors bienvenues qui, au profond des ténèbres de l’humain, redonnent une  place à l’espérance. Et ce n’est pas vain, je vous l’assure. 😉
Bonnes lectures à vous…et à partager peut-être !

 

Petite pause (2)

Et il y a les pauses prières.

 

Dans le silence d’une aube encore endormie
Seule l’écume sonore réveille l’espace
Rumeurs tapageuses, remords délivrés, colères crachées
La mer s’échoue au pied des rochers, les poings serrés frappent, les regards levés éclaboussent, l’onde impatiente martèle le roc, se brise, se lasse, s’apaise
Et l’eau se déchaîne encore, s’insurge, se révolte
Bruyant écho des chaos de nos cœurs

La pierre semble ne pas vouloir répondre, infaillible, immobile, présente
Souveraine
Elle attend que la mer se calme. Puissamment.

Et les vagues se retirent peu à peu, d’abord têtues, rebelles, puis plus tranquilles
Presque douces, elles viennent maintenant caresser le rocher d’une main amie
Confiantes, elles s’abritent aux flancs du récif, se logent en son creux, cherchent un refuge

Rocher de mes prières, rempart de mes colères, abri de mes faiblesses
Tu me gardes au creux de Ton amour comme une vague épuisée.

 

Petite pause (1)

Petites pauses. Petites poses aussi.
C’est ce que je vais vous écrire un peu cet été sur un fil d’une pile de lectures à partager, de paysages beaux comme des clins Dieu, ou peut-être de rencontres qui font grossir le cœur. À quel rythme ? Je ne sais pas. On verra bien ce que mes yeux trouvent à raconter. Une chanson…?  ou mes oreilles qui sait !  😉

Et ça commence là. Premier jour de vacances.
Petite pose… en photo souvenir

Je ne sais pas vraiment pourquoi mes enfants le sont tant.
Complices.
De cette complicité qui garde les mots murmurés, partage les rires, aime la vie et fait des projets. Bien sûr qu’il y a leur vie, les études, le travail, les amoureux et amoureuse qui comptent, et pour nous aussi. Bien sûr qu’ils ont leurs propres ailes, leurs propres chemins, leurs jardins secrets.

Mais il y a cette photo.

Je crois qu’à force de vivre beaucoup de belles choses et des moments plus difficiles ensemble, il reste cet “ensemble”. Et cette promesse qui répète le mot : “On partira toujours en vacances ensemble, même si on ne vit plus ensemble.”
Voilà. On vit ça maintenant. Une chance. Un trésor.
Au milieu de nos projets aux uns et aux autres, on essaye de prendre le temps d’un temps ensemble.

Rien n’a vraiment changé. Je prépare mes petites listes, encore et toujours pour que nous puissions partir avec eux dans une semaine et ne rien oublier. Et en les écrivant, je lève la tête sur le panneau de photos au-dessus d’un bureau, là où j’ai posé des souvenirs pour garder le précieux en vue.
Je décroche l’une d’elles.
Je regarde de plus près.
Je me souviens bien.
J’ai toujours aimé photographier ces instants-là.
Instants de pause, au gré d’une plage, à regarder des petites choses de rien du tout sur le sable.
Ensemble.

 

On verra bien ce que mes yeux trouvent à raconter.
Peut-être que c’est cela une vraie pause d’été quand on a ma chance de pouvoir la vivre comme on veut vraiment.
Retrouver nos regards, le presque même que Lui, pour toutes les petites choses de rien du tout.

 

 

13 minutes et des poussières

Il y a des moments très jolis. De tout petits instants.
 Ma petite Marie, aujourd’hui et au hasard de son ordinateur, dans les dédales de fichiers qu’on range sans les ouvrir très souvent, a retrouvé des photos oubliées de vacances en Bretagne.
Mes enfants adolescents. Leurs rires. Leurs bons mots. Leur complicité.
Et une petite vidéo. Un peu longue quand même.
13 minutes et des poussières.

13 minutes et des poussières.
Pierre avait 15 ans et son portable. C’est étrange parce que même si j’ai joué la maman frileuse sur les outils de communication qui débarquaient dans notre vie il y a moins d’une dizaine d’années, j’ai très vite aimé cette manière d’avoir un téléphone, d’attraper des instants en photos, de filmer des bouts de nous. Et de les garder.

13 minutes et des poussières. À faire défiler une route familière du Morbihan et à écouter leurs voix. Leurs voix qui rient, leurs  voix qui chantent, leurs voix qui blaguent à l’arrière de la voiture.
Et surtout leurs voix qui s’aiment.

Et notre silence à nous deux, à conduire, à regarder cette même route, à les écouter sans doute et sans rien dire.
13 minutes et des poussières et vers la neuvième je crois, ma voix.
– Vous êtes heureux ?

Je ne suis même pas certaine de l’intonation interrogative de ma question.
Je ne suis même pas certaine que ce fût une question.

13 minutes et des poussières.
Il y a des moments jolis. De tout petits instants.
De présent et de souvenirs et de nos vies mêlées qui me font dire et redire que je ne me trompe pas à aimer comme Il m’invite à le faire.
Tout le temps. Et seulement ça.