Route

“Jésus était en route.”

 

Plus que “route”, mon mot d’évangile aujourd’hui serait “en route”, avec le mouvement et l’élan.
En route.

Voilà.

Hier soir, en lisant cet évangile, je me suis arrêtée là. Sûre que c’était le bon mot.
Ce matin, en relisant cet évangile, j’en étais certaine, c’était bien ce mot-là.
Ce soir, même chose. Bien sûr. En route.

Parfois – non, toujours – j’accroche sur un mot d’évangile. Je le retiens. Il a du sens pour moi. 
Je le garde, le murmure, le répète, souvent cherche l’hébreu ou le grec. Et c’est tout.
Cela ne va pas au-delà de Ses mots à Lui.

 

En route.
Il semble simplement me l’avoir murmuré toute cette longue journée.
Pour me donner l’élan, pour donner de l’élan autour de moi, pour oser avancer même à petits pas.

Il semble me murmurer à chaque page de Sa Parole “prends ce chemin, en route.”

En route !
L’essentiel est peut-être là. Inutile d’en dire davantage.
Notre chemin d’Avent nous ouvre Ses pas. 🙂

Maison

“La pluie est tombée, les torrents ont dévalé, les vents ont soufflé et se sont abattus sur cette maison ;
la maison ne s’est pas écroulée, car elle était fondée sur le roc.”

 

5ème jour de notre Avent et mon mot d’évangile aujourd’hui est “maison”.

 

Maison. C’est un mot que j’aime. Un de plus.
Il est le repère dont ma vie a besoin, les murs qui gardent ceux que j’aime, le port d’attache des soirs fatigués.
Il est le repas qui réunit nos dimanches, les soirées d’amis à parler du monde, les cafés confiants des creux d’après-midi.
Il est leurs chambres qui rappellent des heures enfantines, les coins du jardin qu’on aménage peu à peu, les arbres qui ont grandi.
Il est toujours des projets d’embellissement, les voisins qu’on aime bien, ceux qui sont là, discrets.
Maison. C’est un mot qui sait être doux.

Mais c’est aussi un mot difficile.
La maison que nos amis mariés ont quittée, vendue, oubliée, déchirés. Divorcés.
Celle de pas mal de mes élèves aujourd’hui qui se divise en deux, une semaine avec papa, une semaine avec maman.
Celle de ce petit qui n’existe plus, foyer provisoire jusqu’à quand ?
Celle au bout de cette rue dont les volets sont très souvent fermés et qui fuit les bonjours.
Celle du vieil homme qui aujourd’hui prie près de moi et dont la petite maison jamais ne ressemblera à celle de son Irak tant aimé.

Maison. C’est pourtant un mot que j’aime.
Je pense à la tienne, Jésus, celle que tes parents ont quittée pour une pauvre étable. 
Je pense à toutes celles dont tu as franchi le seuil, aux ruelles de Capharnaüm et aux foyers qui te recevaient.

Maison.
Puissions-nous nous y réchauffer, y puiser de l’amour et en donner, en gardant fenêtres et portes ouvertes pendant cet Avent, Seigneur…malgré les vents mauvais !  🙂

 

 

 

Pain

« Où trouverons-nous dans un désert assez de pain pour rassasier une telle foule ? »

 

Pain. c’est mon mot d’évangile numéro 4.

 

Mon grand-père m’a raconté un jour cette histoire.
Il était gamin. Il devait avoir 7 ou 8 ans environ, on était dans les années 1920 je pense. Il jouait dans la rue avec les camarades du quartier. Il habitait la ville qui n’a rien à voir avec la ville d’aujourd’hui parce qu’on pouvait jouer dans la rue et même au beau milieu, sans aucune crainte, souliers de semaine à taper dans un ballon, dans une pierre parfois ou cette fois-là, dans un quignon de pain dur. Une partie de ballon faisant rouler le pain sur le bitume, une partie endiablée, et le mot n’est pas trop fort puisque les deux gendarmes qui passaient par là  à bicyclette, voyant la scène, ont aussitôt joué de leurs sifflets et sauté de leurs engins. Grand-père, que je voyais toujours grand et solide, racontait l’anecdote avec une petite voix comme s’il avait encore 7 ans et que le gendarme était encore à ses côtés.
– On a pris une bonne leçon de morale, oreilles tirées jusqu’à la porte de la maison où nos parents n’ont surtout pas oublié de nous punir ensuite après avoir, eux-mêmes, reçu une leçon pour leur “mauvaise éducation”.

Voilà. La chose était dite. À l’époque où mon grand-père était gosse, jouer avec le pain était sacrilège.

Il en avait gardé comme beaucoup de personnes de son âge un vrai souci. Le pain ne se gaspillait pas, ne se jetait pas, ne se posait pas à l’envers sur la table, recevait une petite croix en son cœur avant d’être tranché. Et même si mon grand-père n’était pas de ces traditions, il  ne pouvait cependant échapper à celle-là .

J’ai grandi avec ça.

Le pain, nourriture précieuse. Inutile de dire que pour Son Pain, ce n’était pas très compliqué d’en saisir aussi le sacré.

Mais, j’ai toujours mieux compris l’importance du pain en minuscules.

 

C’est ainsi qu’on m’a appris que le manque le plus terrible était celui qui tord le ventre de faim.
Manque de ce quignon absent de nombreuses tables,  absent des listes de courses de ceux qui ne peuvent plus, de ceux qui ne peuvent pas, et pour une bonne partie de notre monde, savoir que se nourrir n’est que bataille, pour beaucoup le combat de chaque jour que Dieu fait.

Il y a dans l’histoire de mon grand-père une autre époque, c’est vrai, mais je garde le souvenir de sa honte et de ce qu’il m’a appris à sa suite. Racontée sans fierté, il reprenait souvent ce que la punition de ses parents ajoutée au sermon des gendarmes lui avait laissé longtemps après. Et il n’a eu de cesse de répéter que la nourriture n’est pas précieuse en soi mais son manque est des plus terribles. Pour ses parents qui l’avaient vécu vraiment, arrivés d’un ailleurs plus que difficile, cela avait dû être un leitmotiv. “On a beau tout vouloir, le ventre vide on ne peut rien. On a beau croire, le ventre vide, on ne croit rien.”
La nourriture est sacrée. On ne joue pas avec ça.


J’essaie de ne jamais l’oublier.

Je l’ai vu, je le vois encore. Ce manque. Cette absence de l’essentiel.
Absolument révoltant.

Rien à dire de plus.
Ton Pain, Seigneur, ne comble pas toutes les faims.
Toi, Tu le sais bien. “Ils pourraient défaillir en chemin.”

 

En ce début d’Avent, donne-nous de pouvoir vraiment partager.
Puissions-nous déconfiner nos cœurs, Seigneur.

 

Joie

“À l’heure même, Jésus exulta de joie sous l’action de l’Esprit Saint.”

 

Joie. C’est mon troisième mot d’évangile.

 

Cette fois, il m’était bien difficile d’échapper à ce mot.

Ce mot, je l’aime. Pleinement.
Pleinement oui, je sais qu’il me colle à la peau. Depuis toujours, par-delà les blessures, au-delà des difficultés, bien loin de tous les ratés, de toutes les déceptions, de toutes les tristesses, ces quatre lettres ne m’ont jamais lâchée. Et je souris à l’idée que c’est le cadeau de ma vie, une grâce, une vraie grâce. 

Joie.
C’est un cri qui ouvre la bouche en un sourire.
Joie.
C’est un cri. C’est un cri. Un cri ! Rien de béat, rien de naïf.
Joie.
Ce sont quatre voyelles de vrai courage menées par une consonne qui pétille.

Joie. Il en faut, profondément, comme Maya ose me le redire, elle qui sait que toutes les galères ne lui ont jamais fait douter de la vie qui vaut  la peine d’être vécue.
Joie. Il en faut, simplement, pour continuer à aimer sans rancune, sans amertume, sans regrets.
Joie. Il en faut, humblement, pour oser dire que l’on croit en Toi.
Joie. Il en faut, drôlement, pour aimer ce foutu monde.
Joie. Elle est là.
Au creux de moi. Silencieuse parfois, éclatante souvent.

Merci Seigneur de l’aimer aussi, de l’aimer vraiment. Fais que, pour cet Avent, nous soyons capables de la répandre autour de nous. Simplement.

 

 

 

 

Réparer

“Ils étaient dans la barque avec leur père en train de réparer leurs filets.”

 

Réparer. C’est mon deuxième mot d’évangile.

 

J’ai toujours aimé ce verbe-là. Réparer.
À le dire, il remet à neuf le vieux vélo rouillé qui traînait au fond de la remise, il retape en quelques coups de pinceaux la commode vieillissante, il rapièce le pull abimé aux coudes dont on ne peut se défaire parce qu’elle l’avait tricoté pour nous aider à supporter les hivers de nos vies.

Réparer. J’aimais ce verbe déjà quand Angèle, un soir de Lourdes où le sommeil ne voulait pas venir, m’a tenu la main longtemps, assise au bord de son lit, priant toutes deux d’une même voix. “Avec Lui, tu sais me réparer un peu mon petit, merci.”

Réparer. J’aimais ce verbe encore quand, un peu plus tard, j’ai cessé de demander de l’aide dans ma petite prière et j’ai osé un simple “répare-moi Seigneur” que Tu as bien compris.

Réparer. Je les imagine bien Jacques et Jean. J’ai vu comment les marins faisaient sur le port. Ils ont cette précaution à passer entre les mailles un nouveau brin, cette attention à dénicher les espaces trop lâches qui pourraient laisser passer les poissons, ce souci de redonner solidité à ce qui ne l’est plus.

 

Réparer. Décidément, je l’aime vraiment ce verbe et il nous va bien en ce début d’Avent.
Donne-nous Seigneur la force, le courage ou plus simplement Ta présence pour nous réparer, pour réparer autour de nous. Passer des liens entre les mailles de nos vies, repérer les espaces trop fragiles qui laissent tant de gens au bord des chemins, tendre une main solide pour aider à se relever, à se réparer.

 

Endormis

“Il ne faudrait pas qu’il vous trouve endormis.”

 

Endormis. C’est mon premier mot d’évangile pour ce nouvel Avent.

 

Il aurait suffi d’écrire “éveillés” ou mieux,“veiller”, pour que les mots viennent plus facilement. Ou pour être dans le bon ton peut-être.
Il y a toujours des mots-clés, ceux qu’il ne faut pas louper. “Veiller”, depuis longtemps et pour toujours, est de ceux-là,  j’ai bien compris.
Éveillée… Je crois bien le connaître dans ma vie ce mot pourtant.

Je restais éveillée toute petite dans mon lit pour surprendre le père Noël, certaine que cette fois je le verrai.
Je suis restée éveillée de longues heures pour écrire d’aussi longues copies de collégienne, de lycéenne, d’étudiante.
Je suis restée éveillée pour mes bébés lorsque leurs front brûlants empêchaient tout sommeil.
Je reste éveillée sur leurs copies, tasse de café et musique collée aux oreilles, pour les corriger à temps.
Je reste éveillée, si souvent, soucieuse des gens autour, de la vie, du monde.

Et chaque matin, réveillée au tôt de la journée, ce sont les pages de Ta Bible qui ouvrent mes heures.
Et je tourne Tes pages en Te demandant seras-Tu là vraiment et me servant un café j’entends un oui, reste-là près de Moi et je souris, confiante.

 

Il aurait suffi d’écrire “éveillés” comme Tu semblais m’y inviter ce matin. Cela paraissait si facile.
Pourtant.
Pourtant, c’est “endormi” mon mot d’évangile Seigneur. Pas pour prendre le contre-pied, oh non, je ne suis même pas cette audacieuse. Mais écoute un peu…

Je me suis toujours endormie avant de les entendre discrètement glisser mes cadeaux dans mes souliers. Je ne l’ai jamais vu ce drôle de Père Noël et c’est tant mieux. Ils ont gardé ce petit rêve précieux de l’enfant qui croit encore aux rêves.
Je me suis endormie sur mes cahiers, mes livres, mes études et  j’y ai même rencontré, longtemps, un Saint Joseph bien plus endormi que moi !
Je me suis endormie de fatigue, épuisée, laissant le papa prendre le relais et lui faisant confiance- enfin ! – pour calmer les pleurs de nos enfants.
Je m’endors souvent heureuse avec ce qui pour mes élèves est bien plus important qu’une copie à rendre le lendemain.
J’aime quand la paix, Ta paix, parfois, vient endormir mes inquiétudes.

Et au soir, presqu’endormie, ce sont les pages de Ta Bible qui ouvrent mes nuits, n’attendant plus rien, confiante.

 

Endormie. Finalement, il semble que le mot me concerne davantage.
Je le suis bien plus souvent qu’éveillée je crois. Et c’est les yeux clos que je sais lâcher prise et reposer en Toi, me reposer sur Toi.


Je ne sais pas si, tout au fond, je sais bien L’ attendre Ton retour.
Eveillée ? Comment l’être en vérité ?
C’est bien là que Toi, Tu m’attends, au tournant. 

 



Seigneur, cet Avent est bien là pour qu’une fois encore nos yeux ne se ferment pas trop vite. Et qu’ils voient le monde.
Qu’ils Te voient dans ce monde pour apprendre encore et toujours à aimer, à l’aimer ce monde aussi même si, lui, ne semble plus vraiment T’attendre.

Premier jour d’Avent. Endormis.
Allez Seigneur, laisse à ce premier mot l’audace de nous réveiller doucement. 😉

Mon Avent d’évangile

    Et bon Avent Corine, écris tes doux mots…à la lumière de l’évangile !

Ma vieille amie bénédictine ne croyait pas si bien écrire en terminant sa lettre en cette moitié de novembre.

 

Que pourrais-je venir écrire encore ici que je n’aie déjà écrit pendant tous mes Avents de blogs ? Quelle nouvelle idée pour décliner ces jours vers Noël et y dire encore quelque chose qui vaille la peine d’être lu ?
Dix ans de petits mots partagés, dix ans déjà, avec toujours le même plaisir de vous savoir là, fidèles, et l’envie de continuer encore un peu. Mais comment ?

 

Des mots d’évangile.
Non pas une idée mais une évidence. Ces confinements successifs, privés souvent de rassemblements d’église et de réunions de paroisse, m’ont donné le temps – ou l’envie, ou le besoin peut-être ? –  d’ouvrir encore davantage les pages de Son Livre. Goûter Sa Parole, la ruminer, la laisser prendre de la place. 

Des mots d’évangile.
Voilà un Avent plein d’évidences et en même temps de nouveautés car ce n’est pas mon “métier” de creuser l’évangile et le risque d’y dire ce qui n’y est pas ou ce qu’on voudrait y voir n’est jamais très loin. Il y a toujours cette méfiance à mon propre égard chaque fois que j’ose commenter, même brièvement, Sa Parole. Et souvent, je préfère, simplement, la lire et la laisser faire.

Des mots d’évangile.
Alors, oui, j’ose, à l’instar de cette vieille amie qui souvent m’encourage à commenter mes propres remarques et à les oser. Alors oui, des mots d’évangile, mais avec ce que je sais faire: les faire résonner dans mon quotidien, dans la simplicité d’une petite vie de prof, d’épouse, de maman, de femme. Rien d’autre, car, finalement, je ne sais rien d’autre.

Des mots d’évangile. Un par jour, au petit matin, pour le garder au long des heures. Un seul, attrapé dans la lecture du jour. Simplement. Ce mot qui saura m’arrêter, qui osera me faire réagir, qui pourra aussi me pousser à quelques pas sur son chemin vers la pauvre mais si lumineuse étable de Bethléem.

 

Bonne semaine et à dimanche, amis lectrices et lecteurs  🙂

Corine