Presque rien

40 petits billets de ces soleils qui nous tapent sur l’épaule, nous attrapent, nous rattrapent, nous retournent et font des mercis qu’on leur dit, à voix haute parfois, ou souvent très bas, la vertu de nos vies.

Le mercredi, quand je peux, je file vers la petite ville proche. Il y a une amie qui y vit, seule avec  deux de ses enfants, l’aînée et c’est sa fierté poursuit ses études de médecine 3ème année déjà, un peu loin de la maison.
J’ai senti en entrant la joie de me revoir, de nous revoir, mais un peu d’inquiétude ou de fatigue, je n’ai pas su tout de suite. Et puis, les traits tirés. Elle a raconté un début de semaine difficile à cause d’une collègue absente à remplacer, a servi le petit café en souriant, m’a plaint avec toutes mes réunions après la classe, puis doucement a repris et noté le panier de courses qui augmente sans cesse, les légumes que son papa ne peut plus fournir depuis qu’il ne peut plus s’occuper de son jardin, les pâtes plus souvent qu’à leur tour mais on aime tellement ça tu sais. On n’est pas malheureux, un travail et il me plait mon travail tu sais c’est simplement qu’on est un peu justes dans le service en ce moment, un toit, les bourses pour ma grande et son courage de bosser les vacances pour ne jamais rien me demander, faut bien compter quand même tu sais mais ça va, vraiment on n’est pas à plaindre en vrai.
Elle a ponctué toutes ses phrases d’un “tu sais” s’assurant que je vivais bien sur la même planète.

Oui, je vis sur sa planète.

Le mercredi, quand je peux, je file vers la petite ville proche. Il y a une amie qui y vit, seule avec deux de ses enfants, l’aînée, et c’est sa fierté, poursuit ses études de médecine 3ème année déjà, un peu loin de la maison.
J’ai compris sa joie lorsqu’elle a sorti un petit carton.
Il n’y a pas grand chose dedans mais quelques pulls trop petits désormais, six seulement, tu sauras peut-être toi les envoyer…en Ukraine ?…les donner, tu sais. C’est presque rien, tu sais.

C’est tellement, si, de garder l’Autre dans nos cœurs, même fatigués.

 

Merci l’amie.

à rebours

40 petits billets de ces soleils qui nous tapent sur l’épaule, nous attrapent, nous rattrapent, nous retournent et font des mercis qu’on leur dit, à voix haute parfois, ou souvent très bas, la vertu de nos vies.

20 heures presque 30. J’ai quitté le collège dans la nuit déjà, après les deux premiers conseils de classe du trimestre. Voilà, j’y suis dans l’autre rythme et depuis les cours du matin,  après la jolie rencontre d’éveil à la Foi avec Annie cet après-midi, puis le retour au collège pour un rendez-vous de parents et les deux conseils, je ne sais pas trop où est mon soleil de Carême, ni mon merci.

20 heures bien passées, 21 heures bientôt. J’ai pris le temps d’une petite galette-salade tranquille. Silence dans la grande maison vide. Le p’tit mari en réunion, plus d’enfants. Je relis leurs messages d’hier, ceux qui m’ont fait rire. Petite prière pour eux l’air de rien, entre deux bouchées. Je les aime.

21 heures 14, j’allume l’ordinateur. Je ne sais pas mes soleils mais les mots viennent et se dessinent peu à peu en relecture de ma journée. Petite prière à rebours pour ces élèves à côté et pour ceux qui ne vont pas si mal croisés au fil des conseils de classe, pour mes collègues et notre boulot de prof, pour mes amis paroissiens, Annie et nos projets d’éveil à la Foi pendant ce temps de Carême, pour ces temps en classe que j’aime tellement mais tellement avec eux.

21 heures 17, à rebours, je relis à nouveau l’évangile de mon matin. Sa prière donnée, murmurée si souvent.

21 heures 20, je continue à rebours. J’ai oublié ça. Oh…mais oui, j’ai oublié ça.
Juste après ma prière ce matin, j’ai ouvert le journal.
La Une de Ouest France m’a mise en colère.
J’avais oublié ma colère au fil des heures.
Je vous la raconte, très vite. La Une et surtout l’article un peu plus loin mettait en avant une nouvelle “défaillance” de l’école qui n’inscrivait pas suffisamment à son projet l’éducation à la sexualité. Non, ce n’est pas du tout ça ma colère. Et même pourquoi pas, à rajouter aux cours de maths-français-EPS-musique-arts-techno-physique-chimie-histoire-géo-éducationcivique-latin-anglais-allemand-espagnol-SVT-préparationà la conduite auto-vélo-trottinette-récré-cantine-étude. On trouvera bien une place hein. Non, ma colère, c’est encore les raisons qui vont avec le gros titre. Parce que vous comprenez, elle le dit la petite dame dans l’article ” Faute d’enseignement généralisé sur le sujet, la pornographie se charge d’éduquer les jeunes à la sexualité.”
Mais bon sang , madame, messieurs, mesdames, jusqu’à quand l’école va-t-elle inscrire dans ses programmes les défaillances des ADULTES qui laissent d’autres ADULTES se faire du fric monstrueux sur des sites-n’importe-lesquels et ne rien légiférer pour protéger les gosses de toutes leurs merdes.  Ma colère est toujours vulgaire. Pardon. Je l’ai exprimée tout haut dans la salle des profs là où des collègues s’en sont aussi fait l’écho.

À ce moment-là, Manue s’est penchée à mon oreille:
– Que ferait Jésus…? C’est la question du Carême du jour.

J’ai souri en lui disant qu’Il aurait sûrement renvoyé les ADULTES à leur responsabilité.
Et je suis partie en cours avec ce truc au cœur :
Et Il aurait tout dit pour protéger les enfants.

 

21h33. J’ai oublié ma colère très vite et dans mes cours ce matin, en réunion avec Annie, à mon rendez-vous avec des parents, dans mes deux conseils de classe, Il était là, Jésus, dans un coin de moi.
Continue à protéger, à aimer, au mieux, comme tu peux, ceux que tu croiseras, ces enfants, ces jeunes. Même en colère, continue à croire qu’ils valent toujours mieux que ce que beaucoup d’adultes leur donnent en pâture.

21h41. J’ai redis Sa prière.

Merci Jésus, oui, de me tenir la main.

 

Et merci Manue.

 

Déménager

40 petits billets de ces soleils qui nous tapent sur l’épaule, nous attrapent, nous rattrapent, nous retournent et font des mercis qu’on leur dit, à voix haute parfois, ou souvent très bas, la vertu de nos vies.

Le Carême a déjà pris une nouvelle couleur. Non le violet n’a pas encore viré au rose 😉 mais ce matin, c’était reprise au collège. Avec la fin des vacances de février, je sais que mon Carême va suivre désormais le rythme du collège, des voyages scolaires et d’une semaine un peu à part pour mes 6è, des conseils de classe, d’un petit séjour en abbaye, de réunions, bref, du boulot de prof et un peu plus que ça.
Le Carême a déjà pris une autre couleur. Être professeur dans un petit collège de l’enseignement catholique qui a presque zéro moyen pour sa pastorale depuis 50 ans, c’est aussi, avec mes deux amies collègues et la bienveillance de tous les autres, animer des temps de catéchèse, préparer des célébrations de rentrée, de  Noël et de Pâques, proposer une rando à Bellefontaine, un séjour en abbaye… mais c’est surtout faire ce qu’on peut pour laisser une place oh ! pas seulement à notre religion, non, non, mais au partage, à la Parole de Dieu, à la prière.
Tiens donc, un vrai goût de Carême tout ça.
Le Carême a déjà pris une belle teinte. La reprise aujourd’hui, c’était aussi la fin de notre déménagement de la petite aumônerie toute neuve. Et voilà, comme vous l’avez compris, on n’a pas trop de moyens ( mais quand même une jolie aumônerie réalisée dans un vieux bâtiment refait à neuf à l’intérieur c’est vrai), alors, on a dû faire de la récup pour aménager une salle devenue fort sympathique et chaleureuse. Récupération de tables à droite et à gauche, de vieilles chaises rigolotes, d’une bibliothèque (piquée au CDI chut), d’un vieux petit meuble pratique, d’un vieux canapé recouvert assez  joliment. En regardant le résultat ce soir, on était vraiment contentes. Vraiment. Il y a encore à faire mais le lieu donne envie de s’y installer un peu. En plus, le chauffage fonctionne bien. Je crois que c’est mon soleil du jour.

Déménager de vieux meubles, récupérer, nettoyer, retaper un peu, on a fait quelque chose de beau, de chaud, de doux où on a envie d’être bien.
Peut-être bien que cela m’invite à continuer mon Carême de cette manière. Déménager un peu le vieux en soi, l’abîmé, le triste pour rendre l’intérieur un peu plus beau, un peu plus chaud, un peu plus plus doux.

Et en rentrant au soir.
-Alors le vieux canapé ?
-Super chouette ! Avec la nouvelle housse jolie, vraiment joli!
-Une nouvelle vie donc !

 

Mais oui !

Merci.

Laisser la porte ouverte

40 petits billets de ces soleils qui nous tapent sur l’épaule, nous attrapent, nous rattrapent, nous retournent et font des mercis qu’on leur dit, à voix haute parfois, ou souvent très bas, la vertu de nos vies.

Fin de cette première semaine de Carême, moitié de semaine mais pas vécue à moitié !

Il y a une vraie joie pour moi chaque année à entrer en Carême, une vraie envie de le vivre pleinement en paroisse, au collège, en famille et une profonde sincérité à donner plus de place à Dieu dans ma petite vie. En même temps, il y a une certitude aussi : jamais 40 jours ne suffiront, même répétés chaque année de ma vie – elle me l’a bien dit dans mon auto mercredi soir et son éclat de rire n’était pas dupe, non, jamais 40 jours ne suffisent ! Ils sont simplement un beau, parfois rude, souvent joyeux, mais beau chemin que mes pas aiment prendre. Un pèlerinage à aimer.

Il y a déjà eu des kilomètres de petites prières qui ne ressemblent à rien d’autres qu’à L’aimer toujours plus. Il y a eu un essai de jeûne raté mais pas tant que ça. Je me suis un peu amusée à raconter hier toutes mes tentatives de jeûnes en une, rarement réussies au fil des ans parce que je suis ainsi faite, du plus de partages bien davantage que de mes petites privations qui, pour moi, restent toujours égoïstes et stériles. Au terme de cette première semaine de Carême, je garde un mot au fond de ma poche, un mot encore à comprendre. Aumône.

Des trois piliers du Carême, c’est toujours ce mot qui paraît le plus vieillot. Ni la prière, ni le jeûne ne sont démodés aujourd’hui, c’est vrai qu’ils sont souvent à côté de mon Église dans ces pseudos-programmes-pour-être-bien mais pas démodés. L’aumône en revanche, si. Le mot n’est plus dit, souvent mal compris. Sans tambour ni trompette, Jésus nous invite au don de soi aux plus démunis. Pas de reconnaissance sociale, se donner tout entier, geste d’amour gratuit. Balèze dans un monde où la charité est souvent bien ordonnée et mise en scène. Alors, sans tambour, sans trompette, on gardera si vous voulez bien nos dons pour son regard à Lui, Lui seul.

En revanche, je peux vous raconter ce joli mot d’un de mes collégiens qui découvrait l’aumônerie juste avant les vacances de février. Alors qu’il me demandait ce que signifiait le mot aumônerie et que je lui expliquais aumône et l’origine de ce lieu d’accueil dans las abbayes, il a simplement ajouté:

-il va falloir laisser la porte ouverte à Dieu alors.

Balèze.

 

Laisser notre porte ouverte à Dieu.

Mais oui.

Merci.

 

Et un déjà grand merci chers amis lecteurs et lectrices pour vos petits mots toujours adorables ici et ailleurs en vrai, pour vos ♥ et vos partages sur mon vieux facebook,  mon vieux twitter, mon moins vieux mastodon. Merci parce que vous savoir là donne à mon Carême du sens, en vrai.
Bon premier dimanche et à lundi, avec joie…
Corine

 

Affamés

40 petits billets de ces soleils qui nous tapent sur l’épaule, nous attrapent, nous rattrapent, nous retournent et font des mercis qu’on leur dit, à voix haute parfois, ou souvent très bas, la vertu de nos vies.

Billet un peu plus tôt aujourd’hui, vous comprendrez.
D’abord, je vous demande pardon avant de commencer parce que ce billet manque de sérieux ou de Carême ou simplement vous dire que l’humour est un drôle d’endroit parfois mais qu’il me semble toujours bon de s’y retrouver.

 

Non, je ne cherchais pas à me mortifier dans un effort surhumain, c’est pas la peine d’en rajouter. Non je ne cherchais pas un truc qui s’occuperait de mon nombril pour être enfin une bonne catho, c’est pas la peine de me juger.

Non, vraiment pas, je vous assure, c’est pas mon genre.

En vrai, j’ai simplement écouté mon curé dimanche qui disait qu’il était gourmand et que c’était pas si facile pour lui le jeûne de bottereaux notamment. J’ai lu aussi un truc sympa sur une fille qui jeûnait ses vendredis de Carême et qui en profitait pour aider des gens de la rue.
J’ai encore entendu ce matin un autre ami prêtre qui racontait que oui, ça faisait du bien à l’intérieur. Du bien mais surtout de la place pour Dieu.
Bref, j’ai pas tout saisi parce que moi, Dieu je ne le mets pas dans mon ventre enfin si un peu mais je me suis dit ma petite, tu pourrais quitter ta cuisine chaque vendredi et jeûner.

Jeûner. J’ai lâché le gros mot.

Pas pour me faire du mal au bide mais pour faire du bien à ma gourmandise que je ne prive jamais. Tiens, tu pourrais même en profiter pour aller faire un truc sympa au moment du déjeuner ou du dîner genre une balade-prière pour ta pomme  les courses pour mamie ou pour Liliane ou tu trouveras bien. Et puis quand tu auras repris le boulot, tu pourras profiter de ce temps pour ouvrir la  nouvelle, belle, chouette aumônerie du collège sur le temps de midi au lieu de te planquer tranquille à la cantine.
Voilà, vous voyez, j’avais des super bonnes idées.

 

16h00.  L’heure du goûter. Je suis juste affamée.

 

C’est vrai, je suis allée voir Liliane qui n’avait besoin de rien et qui mijotait tranquillement son veau marengo.
C’est vrai, je me suis bien affairée en tous sens pour oublier mon bide.
C’est vrai j’ai mis plein de chansons que j’aime, j’ai fait plein de ménage, trié des classeurs, j’ai occupé l’espace, rempli du vide par du vide.
Dieu n’a eu guère de place en vrai, mon cœur corps trop occupé à se mortifier à essayer de prier sans y arriver.
16h30. Je suis juste à mille lieues de qui je suis, de ma cuisine que j’adore partager, de ma grande table joliment ouverte et surtout de ce pourquoi je veux faire de la place à Dieu dans ma vie. Mais je vais tenir je me dis.

 

16h30 et quelques poussières. Il est rentré d’un p’tit reportage. Loin, si loin de tout ça. Mais si affamé de Dieu pourtant.
-Dis, on se ferait bien un tout petit resto de fin de vacances, histoire de nous redire nos bonnes nouvelles, de partager tout ça, dis ?

16h30 et un peu plus de poussières.
Tout s’est bousculé. J’ai vite décidé. J’ai appelé le p’tit resto ami.

Si.

Merci ma vie.

Des kilomètres en bouts de prières

40 petits billets de ces soleils qui nous tapent sur l’épaule, nous attrapent, nous rattrapent, nous retournent et font des mercis qu’on leur dit, à voix haute parfois, ou souvent très bas, la vertu de nos vies.

 

Pour moi, c’est toujours la chance des vacances de février, du temps qu’on peut prendre encore en ce début de Carême et des kilomètres en voiture…sous la pluie.

En prenant la route aujourd’hui, et sans doute parce que ce n’était pas moi qui conduisais, j’ai laissé aller les pensées. C’est facile quand on traverse de chouettes paysages, qu’il y a un peu de musique et que la pluie dégouline sur les vitres. Et puis, il fait chaud au dedans. C’est presque doux ce moment-là. Tellement que, souvent, bien au-delà des simples broutilles de pensées qui déboulent dans ma cervelle, je me mets à parler à Dieu. Tout bas.

Je ne sais pas si ça s’appelle prier.

Je n’ai jamais très bien su ce que c’était qu’une prière, enfin, une vraie. Une qui convient. Une qui serait convenable, oui. Je sais seulement écrire des bouts de mots ou parler du bout des lèvres – dans une auto, sous la pluie. Mais j’espère que Dieu, depuis le temps qu’il me connaît, a pris l’habitude de mes prières qui ne ressemblent pas à des prières et que ça lui va autant qu’à moi.

En prenant la route aujourd’hui et sans doute parce qu’on est encore en vacances, je me suis rappelée que le Carême, c’était chouette quand ça rimait avec prier mais que ce n’est pas facile de faire rimer de jolis mots ensemble dans un quotidien qui, lorsqu’il n’est plus en vacances, a peine à respirer des heures tranquilles.
On peut bien vouloir faire tous les efforts du monde mais c’est moins facile de parler à Dieu quand on file vers le travail la tête déjà dans les cours à donner, que la pluie continue de dégouliner et qu’il faut rester vigilante, qu’on a d’autres chats à fouetter que ce bon Dieu qu’on aime mais voilà.
Pourtant, c’est bien là, dans ma petite auto, que je lui parle le plus, le mieux j’en sais rien mais le plus oui, j’en suis certaine. À voix haute même, en traversant seule ma campagne.

 

Pour moi, c’est toujours la chance des vacances de février, du temps qu’on peut prendre en ce début de Carême et des kilomètres en voiture, et on est même arrivés avec un bout de soleil qui caressait les vitres. Je sais, c’est un peu bête mais j’aime assez l’idée que ces rayons qui viennent se poser sur les gouttes de pluie, c’est le clin Dieu du genre ok, je t’ai bien écoutée. C’est bête, naïf sûrement, mais doux. Et jamais, je ne me prive de douceur.

Et rien ne m’empêche dans ce Carême de croire que Dieu entend mes bouts de  prières, toutes nos prières, dans nos autos, sous la pluie.
Dans nos cuisines aussi. Et sur un coin de bureau, au fond d’un jardin, dans une allée de supermarché, dans une salle d’attente, sous une couverture fatiguée, sur un trottoir à attendre, dans un train qui s’en va.

On peut lui parler n’importe où, n’importe comment, n’importe quand.

Si.

Merci Dieu.

 

Sans fin

40 petits billets de ces soleils qui nous tapent sur l’épaule, nous attrapent, nous rattrapent, nous retournent et font des mercis qu’on leur dit, à voix haute parfois, ou souvent très bas, la vertu de nos vies.

Il faut commencer. C’est peut-être un peu étrange de parler de commencement pour un Carême qui revient chaque année mais puisqu’il est limité dans notre temps entre les Cendres et Pâques, oui, il faut bien commencer.

J’ai commencé par ouvrir les volets sur la pluie du dehors et le gris et le froid. Pas de soleil à l’horizon. Il y en avait dans la maison mais très vite, la nouvelle tragique nous a attrapés là où nous étions, juste en train de corriger quelques copies pour lundi, nous encore en vacances, cette professeure, elle, n’en aura plus. Assassinée par un de ses élèves. J’ai fermé les informations pour ne pas entendre tout ce qui ne se dit pas.

C’est avec elle, cette dame, un peu comme moi, de mon âge, enseignante dans un lycée privé, c’est avec elle que je suis partie à la célébration des Cendres, l’emportant, elle et les siens, dans ma petite prière.

J’ai commencé ce Carême encore d’une drôle de façon, cherchant un peu de soleil sans le trouver vraiment. Les clins d’œil des enfants, bien là pourtant. Le merci d’une collègue amie pour nos projets de Carême au collège, là aussi. Minuscules rayons dans une journée cendrée de gris.

 

Et puis, au sortir de l’église emplie de têtes connues, reconnues et amies, une petite voix qui cherchait une voiture pour la raccompagner. Cinq petites minutes dans mon automobile, pas beaucoup plus mais ses mots joyeux.
– Tu sais que depuis ma première communion- parce qu’avant on ne faisait pas Carême-, et bien, depuis…c’est mon soixante-cinquième carême.
– Oh… et alors ?
Mon petit sourire l’a fait éclater de rire.
– Et bien alors, je ne crois pas que ça me change, j’en suis même sûre… mais je recommence parce que c’est sans fin d’aimer toujours mieux, non ?

Si.

Merci.

Une petite part

Je ne sais plus exactement à quel moment il déposait les cendres récupérées au long des semaines dans l’âtre de sa cheminée mais j’ai toujours vu mon grand-père les étaler sur son coin de potager en disant “C’est ma petite part. La terre, le soleil et l’eau feront le reste.” Jardinier-philosophe qui avait pleine conscience que pour avoir de bons et beaux légumes, il ne suffisait pas de techniques, de trucs ou de recettes et que souvent, l’humilité de s’en remettre à la nature était plus que nécessaire.

 

À quelques heures d’un nouveau Carême et de nouvelles jolies croix de cendres affichés sur nos fronts, je me souviens de ces cendres-là et de sa petite part pour amender sa terre. J’y songe et je ne peux que me rappeler de la douceur du gris sur le terreau, de la fragilité aussi au moment où un grand vent venait à se lever, de la simplicité enfin de savoir utiliser ce peu qui restait des grands feux.

Et c’est ainsi que je me prépare moi-même à entrer en Carême.

Avec la douceur de mes petites joies partagées, ma fragilité devant les tempêtes soudaines et imprévues, la simplicité de ne savoir que poser quelques-uns de mes mots.

Comme pour l’Avent, c’est au soir que je viendrai vous retrouver pour ma petite part. Elle n’a pas oublié de quoi elle sera faite : 40 petits billets de ces soleils qui nous tapent sur l’épaule, nous attrapent, nous rattrapent, nous retournent et font des mercis qu’on leur dit à voix haute parfois, ou souvent très bas, la vertu de nos vies.

Bonne entrée en Carême mes amis,

à demain.

Derrière la vitre

 

Derrière la vitre, il y avait du soleil et je l’ai senti dans mon dos. Ça m’a fait plein de bien.

 

Je crois que ça ne m’était jamais encore vraiment arrivé. Enfin, pas de cette façon. Cette distance involontaire entre les choses et moi, entre le monde et moi, entre les gens et moi. Entre Dieu et moi. Comme si je souhaitais que plus rien ne me touche.

Il y a eu cette préparation de messe, il fallait bien y aller pourtant. J’ai failli me trouver des excuses bidons mais le soleil a traversé ma vitre et m’a poussée au dehors. Les fidèles amies, la Genèse et puis Paul et Matthieu. Et comme ce sera le premier dimanche de Carême et le temps fort de première communion et la confirmation des cinq petits derniers de la paroisse, soudain les mille choses en un tourbillon se sont rapprochées de moi.

Il y avait ces colis à envoyer, il fallait bien les rejoindre. J’ai failli ne pas démarrer mais non, Darina m’attend au bord de son Ukraine et le soleil qu’elle ose encore m’envoyer m’a donné un grand coup de pied là où vous savez. Les colis, les couvertures, quelques photos, de la nourriture et du chocolat. Et comme tout à côté de nos colis il y avait Sama qui me racontait sa Syrie, soudain le monde en une bourrasque s’est rapproché de moi.

Il y avait cette voisine qui a frappé à ma porte à la nuit tombée. J’ai failli ne pas ouvrir mais j’ai senti qu’il y avait quelque chose. Elle a parlé et parlé encore, de choses et d’autres, une question, laquelle ? je ne sais plus. J’ai seulement écouté sans répondre. Elle ne voulait pas de réponse. Et comme elle allait repartir sans que je n’ai pensé à lui offrir une tasse un peu chaude, j’ai eu envie de la retenir, je l’ai gardée un peu, on a pris un thé, on a même ri et, soudain les gens en une respiration se sont rapprochés de moi.

Il y avait ce déménagement, c’est demain, si attendu, une aumônerie, enfin au collège, à construire, à remplir, à animer. J’ai commencé à regarder de vieux coins de ma bibliothèque, j’ai décidé de trier des tiroirs, de voir ce qui pourrait aller là-bas. Et soudain, au creux d’un livre, entre deux pages, au détour d’un truc gardé pour le caté sans doute, j’ai retrouvé tout plein de morceaux de ma vie avec Dieu. Et, je ne sais pas qui de moi ou de Lui s’est rapproché le premier.

Il n’y avait rien de prémédité. Je crois que ça ne m’était jamais encore vraiment arrivé. Enfin, pas de cette façon. Drôle de début d’année. Une distance involontaire entre les choses et moi, entre le monde et moi, entre les gens et moi, entre Dieu et moi.
Comme si je voulais sans vraiment de volonté pourtant que plus rien ne me touche.
Je n’avais rien prévu, c’est arrivé.

 

Mais derrière la vitre le soleil m’a tapé sur l’épaule.
Comme pour me dire retourne-toi.
Peut-être qu’il est en avance sur le Carême.

Derrière la vitre, le soleil m’a touchée.

Dans deux semaines, il sera juste le temps de les raconter en 40 petits billets ces soleils qui nous tapent sur l’épaule, nous attrapent, nous rattrapent, nous retournent et font des mercis qu’on leur dit à voix haute parfois ou souvent très bas, la vertu de nos vies.

Au 22.

Merci.

 

Même fané

 

C’est plus fort que moi. Je ne peux pas m’en empêcher. Je les écris partout.
C’est plus fort que moi. Je fais des listes et des listes et des p’tites listes encore de jolies choses que je vis dans mon église. Je mets un é minuscule, pardonnez-moi, je n’arrive plus aujourd’hui à l’écrire en majuscules ce mot.

C’est plus fort que moi. Je ne peux pas m’en empêcher. Je les lis les articles encore, les enquêtes toujours. La vérité enfin. Le p’tit mari, mes amis de la paroisse me le répètent pourtant : mais arrête de lire tout ça, arrête de te faire du mal. Me faire du mal ? Oh non…pardonne-moi mon chéri, pardonnez-moi mes amis, celles et ceux qui ont mal ont autrement plus mal que moi.

C’est plus fort que moi. Je ne peux pas m’en empêcher. Je demande de l’aide. J’ai besoin d’aide. Je peux comprendre le mal tu sais, le péché oui, je connais. Mais ça non. Pas en Son nom. Non, pas au nom de Jésus, ni de Marie.
Nom de Dieu.
J’ai lâché mon injure. Mille pardons. Sœur Marie n’a pas souri mais ses yeux ont dit ce n’est rien. Il y a bien plus grave. Elle a continué doucement.
Oui, je sais. Alors, plonge dans Sa Parole, lis et relis. Et dessine. Et écris.

J’ai suivi son conseil. Ça fait un peu de bien.

Je me suis rappelée tout à coup qu’il restait ce livre rangé sur une étagère encore. Je l’ai déchiré. Ça m’a fait un peu de bien.
Son “Jésus vulnérable” à la poubelle avec lui et tous ceux de sa clique, et tous ces minables, en pensant aux vrais amis de la Rebellerie, communauté de l’Arche ici, tout près.

Et puis, j’ai mis de la musique encore, ouvert ma Bible à peindre, attrapé une cuillère de miel pour ma gorge et Tes mots pour mon cœur.

 

Mais toi, Eternel, tu es mon bouclier,
tu es ma gloire, et tu relèves ma tête.

 

J’ai levé les yeux un instant.
Tiens, mon mimosa est fané.
J’ai souri.

Vous saviez vous que, même fané, le mimosa est joli ?